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Critique

L’involution : Dans le labyrinthe mental de Maude Landry

L'involution de Maude Landry

Elle fait partie des nouvelles bibittes attachantes de l’humour québécois, à l’instar de collègues comme Pierre Yves Roy Desmarais et Christine Morency. Alors que ses vis-à-vis donnent dans l’absurde folie ou le bas de la ceinture assumé, Maude Landry, elle, perpétue un héritage que ne dédaignerait pas un André Sauvé, lui-même digne descendant du regretté philosophe comique Pierre Légaré. Un bassin sans limites qu’elle exploite avec fin doigté.

Peut-être plus candide et bon enfant que ses aînés masculins, Maude Landry propose quand même toute une virée dans son labyrinthe mental dans son premier spectacle, L’involution, qu’elle « cassait » en première montréalaise au Gesù mardi soir. Le terme « involution » évoquant une « évolution vers l’intérieur », on se doutait que l’artiste de 31 ans ne verserait pas dans l’histoire salace à la « Une fois, c’t’un gars... », mais on avait hâte de plonger pleinement dans ses élucubrations bien à elle.

Verdict : la pince-sans-rire Maude Landry allie intelligence et rigoureuse observation avec juste ce qu’il faut de clins d’oeil à nos fluides corporels pour alléger l’ensemble. Cerise sur le sundae, elle se moque elle-même de son style intello-rigolo. Usons de l’éculé qualificatif « rafraîchissant » pour la décrire, c’est franchement mérité.

« Je ne sais pas, vous, c’est comment dans votre tête. Moi, c’est le bordel ». Cette phrase que lance innocemment Maude une vingtaine de minutes après le début de sa prestation, dans son décor de salon improvisé éclairé d’un assortiment de lampes, de chandelles et décoré d’un tabouret, d’une plante (qui...parlera en cours de représentation!) et d’une guitare, illustre à merveille le contenu de son involution personnelle. L’humoriste décorée de l’Olivier de la Découverte de l’année en 2018 y raconte qui elle est, en nous partageant réflexions et constatations de différents thèmes parfois sans queue ni tête, mais qui finissent étrangement, dans sa bouche, par trouver sens.

Elle qui s’autoproclame « nerd » sur un peu toutes les tribunes depuis quelques jours arrive sur scène en zigzaguant maladroitement sur sa planche à roulettes, casquée, significative entrée en matière, représentant bien l’aura de notre célibataire qui « cherche quelqu’un avec qui attendre la mort en silence ».

Visiblement, Maude Landry réfléchit beaucoup. « Y’a plein d’affaires qu’on ne saura jamais. Quelqu’un sait à quelle fréquence il faut changer nos capteurs de rêves? » Curieuse interrogation, dérivant sur les compagnies de maquillage testant leurs produits sur les animaux. Avis aux intéressés, Maude a tapé « Bunny With Make Up Beautiful » sur Google. « Cherchez pas ça, c’est dégueulasse! »

Dans ses temps libres, Maude peut « se crosser », « tomber dans’ lune » ou « jouer avec un stylo rétractable ». « Les trois ensemble, c’est le fun! ».

Elle se dit grande amatrice de rock and roll. « Par rock and roll, je veux dire le jazz ». Nous fait comprendre que l’amour de soi, c’est important. « Quand je me compare à Charlotte Cardin, après faut que je me console ». Décortique ses névroses, comme son trouble obsessionnel compulsif avec déficit d’attention (« Ça veut dire que chez nous les choses sont bien rangées, mais je sais pas où ») et sa déco-anxiété (« J’ai peur que le monde trouve ça laite chez nous »).

Voyez le genre? Grosso modo, notre tricoteuse décalée nous tisse une courtepointe étonnamment fluide même si elle y jase de tout et son contraire, où la référence aux animaux (chat, licorne pas de corne, singe et tout le zoo) sert souvent de propulseur à l’analyse bien songée. Où on imagine une version d’Harry Potter réalisée par Xavier Dolan avec Anne Dorval dans tous les rôles. Où on se quitte sur une relecture du thème musical de Fort Boyard. Où on ne s’étonne pas d’apprendre que la jeune dame se soigne au moyen d’herbes « essentielles ou facultatives ». « Techniquement, on est dans le futur qu’on s’était imaginé dans le passé », y aviez-vous déjà pensé?

La proximité d’une petite salle comme le Gesù permet à une Maude Landry très habile avec l’improvisation d’interagir avec les spectateurs. Segment souvent lassant chez d’autres humoristes, ici, le procédé ne brise pas le rythme. À un convive lui révélant que son chien s’appelle Canyon, Maude Landry répliquera : « Le grand? ». Du « grand » art, convenons-en. Capable de gratter l’instrument, Maude Landry égaie même son propre entracte avec un intermède chanté des plus sympathique.

On salue les trouvailles de mise en scène du talentueux Guillaume Lambert, qui fournissent une utilité à tous les éléments du décor et soulignent le charisme de Maude, ainsi que le coup de pouce de Simon Delisle à la script-édition et même les éclairages bien joués de Liandre Coulombe. En première partie, le comédien, musicien et magicien Nic Gignac épate dans un court numéro alliant chanson populaire et origami. Très impressionnant!

Une autre humoriste féminine dévoilait il y a quelques jours son deuxième one woman show. Lisez nos impressions ici.

Rappelons que Maude Landry a pu compter sur le soutien de toute sa famille lors de sa première de mardi… grâce à Fady Dagher, nouveau chef du SPVM. Détails ici!

Maude Landry présente son spectacle L’involution partout au Québec toute l’année. Consultez son site web pour plus d’informations.

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