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Critique

Virage – Double faute : De la télé sportive de haut calibre

Virage - Double faute

La télé québécoise ne s’est pas souvent payé la traite en drames sportifs et, quand elle en a eu l’audace, ça s’est surtout joué sur la glace dans des parties de hockey, qu’on pense aux innombrables saisons de Lance et compte.

Virage – Double faute, à voir sur Noovo dès mardi, brise le moule et nous emmène cette fois sur le court, en suivant l’ultime tentative d’ascension d’un joueur de tennis au talent immense, mais à la confiance fragile, qui n’a jamais réussi à se hisser plus haut qu’au 187e rang du classement mondial. La trentaine bien entamée, notre presqu’héros a peu de temps devant lui pour toucher le sommet, et devra apprendre à distinguer la détermination de l’acharnement.

Virage – Double faute est en fait la « deuxième manche » de la série d’anthologie Virage, autre production de KOTV que Noovo relayait à l’automne 2021 (et toujours disponible sur Crave). Une patineuse de vitesse médaillée olympique (Charlotte Aubin) devait s’y redéfinir après avoir accroché ses cuissards. Marie-Hélène Lebeau-Taschereau, qui cosignait le premier opus avec Kim Lévesque-Lizotte, fait cette fois équipe avec Louis Morissette et un Éric Bruneau qui vit son année chanceuse (on lui parle encore sans arrêt d’Avant le crash) à l’écriture. Oui, il pourrait y avoir plus tard un troisième « set » à la franchise Virage, mais Noovo ne le chuchote pas trop fort pour l’instant.

À la réalisation de Double faute, Rafaël Ouellet (Ruptures, Fatale-Station, Cheval-Serpent) a visiblement eu les moyens d’une ambition savoureuse pour tout amateur du genre. Les images filmées au dernier Omnium Banque Nationale de Montréal sur le court central du parc Jarry (par tranches de sept minutes entre les « vraies » parties, avec la complicité de Tennis Canada et de 1000 figurants, sous les regards de sept caméras) et au US Open à New York, les pointages qui s’affichent à l’écran, les citations sportives qui donnent le ton aux épisodes, les directives précises de l’entraîneur (tant techniques que psychologiques), le rythme trépidant des joutes cruciales, la narration des pensées angoissées du protagoniste pivot : on vit pleinement le tennis et ses émotions, du moins dans les deux heures (sur huit) visionnées par les journalistes lundi. Les mordus de sport, et spécialement de la raquette, y prendront joyeusement leur pied, les autres ne dédaigneront pas non plus cette histoire humaine aux multiples dimensions, où la famille occupe aussi une large place. Le langage sportif, très emprunté à l’anglais, agacera peut-être les ayatollahs de la langue française, mais on ne reprochera pas à une production sans failles de n’avoir pas voulu lésiner sur le réalisme.

Au commencement de la série, notre athlète un peu paresseux et enclin à la fiesta, Charles Rivard (Éric Bruneau teint blond pour ce personnage), veut gagner… mais. Il se traîne les pieds. Sa modeste ambition? « Faire la demi-finale » de l’Omnium de Montréal. Une rencontre fortuite avec son ancien entraîneur de l’époque junior, Sylvain Carrier (Louis Morissette) le motivera à propulser sa balle verte plus loin. Et encore plus loin quand sa réussite Cendrillon au tournoi local le mènera au US Open, aux États-Unis. Mais le chemin de la gloire sera parsemé d’embûches.

Qu’est-ce qui cloche donc avec ce Charles Rivard qu’on sent anxieux et tourmenté autant que désinvolte, et qui n’a jamais réussi à brandir les trophées des champions? Pas besoin de chercher de midi à quatorze heures quand on fait la connaissance de sa famille. Sa mère Françoise (Sylvie Léonard, qui simule bien la pimbêche sympathique), elle-même ancienne joueuse et dirigeante d’une académie de tennis, met une pression indue sur les épaules de son fils cadet, et depuis toujours. L’aîné, Hubert (Karl Farah) souffre d’avoir grandi dans l’ombre de son frangin. Il travaille avec le père, Claude (Denis Marchand) dans la compagnie de transport familiale qui commandite les activités de Charles. On sent que cette dynamique pleine de non-dits éclatera tôt ou tard. L’entraîneur Sylvain, lui, acceptera de reprendre Charles sous son bon parrainage, au détriment de sa propre famille.

Reste à voir si les sacrifices de tout ce beau monde en vaudront la peine. On aura d’ailleurs la réponse, puisqu’à mi-chemin de Virage – Double faute, l’intrigue fera un bond de sept ans en avant. Charles évoluera toujours dans le milieu du tennis… mais dans quel rôle?

Virage – Double faute tient l’antenne de Noovo le mardi, à 20 h, dès le 10 janvier. Les abonnés à Crave ont déjà accès au premier épisode.