Il ne saurait y avoir de meilleur moment pour lancer la série Sortez-moi de moi, un thriller psychologique concocté avec soin par Sophie Lorain et Alexis Durand-Brault, disponible sur Crave et Super Écran à compter du 7 mai. Alors que le sujet de la santé mentale est sur toutes les lèvres, après plus d'un an d'isolement et d'écueils en pandémie, les deux artistes arrivent avec cette proposition audacieuse, qui nous fera repenser notre manière d'aborder la maladie mentale. Le regard bienveillant que l'on porte ici sur les personnes qui en sont atteintes, tout comme sur les intervenants qui gravitent autour d'elles, a de quoi faire du bien, malgré la lourdeur inhérente au propos.
Sortez-moi de moi s'invite dans le quotidien d'une unité volante de travailleurs sociaux, appelés à intervenir sur le terrain, plutôt qu'en hôpital. Avec eux, nous découvrirons d'abord un travail complexe, houleux, mais aussi des personnages tous différents les uns des autres, et qui vivent des situations difficiles. Il y a d'abord Clara et Gabriel (Sophie Lorain et Bruno Marcil), qui ont eu à mettre leur vie personnelle de côté pour s'investir à 100 % dans cette mission d'aider autrui. Puis il y a la psychiatre Justine Mathieu (Pascale Bussière), dont l'existence basculera après sa rencontre avec un patient en phase maniaque. Enfin, il y a celui-ci, David Ducharme (Vincent Leclerc), un être fascinant atteint de bipolarité. L'œuvre chorale nous permet de voir ces destins évoluer dans des zones grises, alors que plus rien n'est clair pour personne. Avec ce sujet, le réalisateur, auteur et producteur Alexis Durand-Brault nous invite à « accepter la ligne croche ».
« Dans toute chose il y a une faille. C'est ainsi qu'entre la lumière. » - Leonard Cohen
D'ailleurs, pour traiter de ce sujet épineux, mais ô combien d'actualité, le réalisateur a choisi d'envelopper son histoire dans une atmosphère lumineuse, qui fait contrepoids au drame humain. Les personnages, baignés dans des éclairages dorés, évoluent sous une lentille clémente. La mise en scène s'avère régulièrement déroutante, à l'instar du sujet, en faisant des allers et retours entre les personnages, voire les époques. Pour s'aider dans ce projet, les artisans ont fait appel à une psychiatre de l'hôpital Notre-Dame, de même qu'à un homme, Mathieu Arsenault (voir le documentaireTenir tête sur CI Tou.tv), qui doit lui-même vivre avec la maladie mentale. Ainsi, les situations présentées s'avèrent vraisemblables, et les textes authentiques. Le réalisateur nous explique que plusieurs scènes sont inspirées de la réalité.
Dans ce contexte, Vincent Leclerc se métamorphose complètement, devenant cet être fragile, mais charismatique, qui pourrait ébranler les convictions de quiconque. Le comédien réussit à incarner avec beaucoup de nuances un être gravement malade, mais qui grâce à cette condition arrive à voir les failles et les doutes qui hantent ses interlocuteurs. Blessé, mais lumineux, il saura vous toucher profondément. Dans les deux premiers épisodes que nous avons pu voir, il offre des scènes bouleversantes, transcendantes, notamment avec Pascale Bussières qui lui offre la parfaite réplique. On comprend que ces deux personnages, différents et semblables à la fois, vivront une histoire hors du commun au long des six épisodes.
En fait, il n'y a pas de mauvaise performance dans Sortez-moi de moi. : que ce soit Sandra Dumaresq qui ouvre nos yeux sur la souffrance, Bruno Marcil qui est transformé pour son rôle, Sophie Lorain, émouvante, Émile Proulx-Cloutier, Valérie Blais, Luc Bourgeois, bouleversant de justesse, et plus encore. Il n'y a pas à dire, on a rassemblé ici une distribution magnifique capable de jouer dans toutes les teintes. On découvre même Danielle Proulx dans un rôle franchement différent. Bien que la trame qu'elle amène nous semble un peu moins probable que le reste, son personnage vous surprendra.
Aussi divertissant que captivant, Sortez-moi de moi atteint ses cibles avec justesse, intelligence et beauté. Voilà une combinaison gagnante en ces temps moins faciles.