Stéphanie (Bianca Gervais) débarque, radieuse, d’un voyage au Mexique, où elle a fait la fiesta dans un tout-inclus. Sa meilleure amie innue, Cynthia (Sharon Fontaine-Ishpatao) l’attend à l’aéroport et, en voiture, sur le chemin du retour, lui relate le mensonge qu’elle a raconté à tout leur petit village tissé serré de la Haute-Côte-Nord pour sauver les apparences et éviter que Steph ne se fasse juger et taxer de mère indigne pour être partie se la couler douce avec son amant (Bruno Marcil) et – ô affront suprême aux yeux de la société – avoir dérogé à ses responsabilités maternelles pendant quelques jours.
La douce Cynthia a donc inventé une fausse histoire de retraite de yoga dans un couvent du Lac-Saint-Jean et, question de rendre son récit encore plus crédible, en a rajouté une couche en maintenant que Stéphanie se relève d’une dépression. Il fallait bien répondre quelque chose aux curieux qui cherchaient le nom de son couvent sur Internet… De retour dans son patelin, Stéphanie – une fichue de bonne maman, qui donnerait sa vie et encore plus pour ses deux filles, ses Perles, Laurence (Cassandra Latreille) et Juliette (Anouk Tanguay) – retrouve sa couvée et ses concitoyens dépourvus de gants blancs lors d’une petite fête organisée en son honneur et joue (difficilement) le jeu du lent rétablissement. Attention à son bronzage, toutefois, qui pourrait la trahir… Et aux questions indiscrètes de son petit monde, toujours à l’affût du moindre commérage!
Mais la supposée dépression de Stéphanie inquiète ses filles. À commencer par Laurence, son aînée, qui est la risée des garçons de sa localité. L’adolescente débrouillarde tentera de cacher à sa mère son lourd secret, qu’elle finira bien sûr par éventer : elle est enceinte. La petite Juliette aussi se fait du souci. Sensible et allumée, la gamine a trouvé la définition de « comportements erratiques » sur le web et s’imagine mille scénarios catastrophes. Les descendantes de Stéphanie, nées de papas différents, vont jusqu’à se blâmer pour la tournure des événements. Et la principale intéressée, elle, culpabilise, et de plus en plus. Et son mensonge inoffensif du départ dégénèrera en une spirale d’imprévus désagréables.
Si ce résumé des premiers épisodes des Perles vous happe, il y a fort à parier que vous embarquerez pleinement dans la nouvelle série de Club illico écrite par Érika Soucy (elle-même native de la Haute-Côte-Nord, devenue maman à 22 ans, connue jusqu’ici comme autrice de poésie et de la percutante pièce Les murailles), l’une des mains-fortes de Fabien Cloutier sur Léo. Et dont la première fiction télé solo, justement, rappelle l’univers de Léo, avec son esprit de région écornifleur et parfois mal engueulé, ses personnages hautement colorés et divertissants et ses thématiques rassembleuses, le tout saupoudré d’une bonne dose de tendresse. Qui n’a pas une maman dépassée ayant besoin d’un break dans sa garde rapprochée, par les temps qui courent?
Outre Bianca Gervais qui est particulièrement solide dans ce rôle qui lui va comme un gant, de maman malgré tout parfaite et tellement aimante dans tous ses défauts – l’actrice nous expliquait ici combien elle considérait que ce personnage était fait pour elle –, d’autres protagonistes féminins des Perles vous séduiront. Comme l’attachante Cynthia (son interprète Sharon Fontaine-Ishpatao a d’ailleurs eu droit de regard sur les textes des Perles pour toutes les portions de répliques touchant aux réalités autochtones), la naïve Coralie (Camille Felton), nouvelle amoureuse de Yoan (Lucien Ratio), le père de Juliette – qui pense que Marc Dupré est plus connu que Nelson Mandela... – et la vieille voisine chipie, Madame Caron (Chantal Baril), qui n’en rate pas une pour faire suer Stéphanie.
Projet actuel et pertinent, drôle et touchant, Les perles traite d’amour, de parentalité, de solidarité, de trop-plein, de double standard. « J’étais contente qu’on nomme la fatigue des femmes », a insisté Bianca Gervais en visionnement de presse, lundi. L’intrigue campée loin des grands centres permet aussi d’aborder de multiples autres enjeux, comme l’accessibilité aux soins de santé en ville éloignée.
On a vraiment l’impression d’avoir les pieds plantés dans la Haute-Côte-Nord dans Les perles; pourtant, l’équipe n’a passé que trois jours à Portneuf-sur-Mer pour filmer les scènes extérieures de plage, par exemple, et a reconstitué le reste de son village fictif en périphérie de Montréal (Candiac, Contrecoeur). Le réalisateur Hervé Baillargeon (Six degrés) n’a pas craint de laisser respirer ici et là quelques longueurs au fil de ses 13 épisodes de 30 minutes, un rythme un brin contemplatif qui colle parfaitement aux Perles… et contraste avec l’excès de tension de Stéphanie.
La série Les perles sera disponible sur Club illico ce jeudi, 11 mai. Voyez la bande-annonce ici. Une deuxième saison est déjà en préparation.
L'oeuvre marque le retour au jeu d’une actrice qu’on n’a pas vue depuis trop longtemps, dans la peau d’Esther, la femme de Martin (Bruno Marcil). Lisez notre entrevue avec elle ici.