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Critique

Live, de Simon Gouache : Du stand up classique absolument tordant

Le spectacle Live de Simon Gouache

La machine de scène qu’est Simon Gouache frappe encore. Avec son troisième one man show, tout bonnement intitulé Live, l’humoriste prouve à nouveau qu’il sait faire rire beaucoup, avec bien peu.

Originaux, la façon et le propos de Simon Gouache? Pas nécessairement. Pas philosophe comme Maude Landry, ni personnage assumé comme Ève Côté, raconteur d’anecdotes investi comme Christine Morency ou politique comme Guy Nantel, entre autres exemples, notre gaillard mise uniquement sur la méthode du bon vieux stand up brut, sans artifices, pour charmer son parterre. Celui de sa première montréalaise, à l’Olympia, mardi, était de toute façon comblé d’avance.

L’incontournable tabouret, le micro, le verre d’eau, les faisceaux d’éclairage verticaux, et une suite d’observations (son regard est hors pair) et de menues opinions sur nos quotidiens à tous. Sur papier, rien pour hurler à l’Olivier de l’année.

Mais on parle ici de Simon Gouache. De l’énergie, du timing comique sans faille de l’unique Simon Gouache qui, en 2023, sait nous rendre hilarante, dès l’entrée de son spectacle, la description d’une émission de Salut Bonjour. Faut le faire. Même sa première partie, François Boulianne, est à la hauteur, avec ses délires sur l’école secondaire, la religion et les avions.

La belle gueule de Simon Gouache est assurément la moindre de ses forces. Ce qui irradie de sa prestation, c’est son esprit mi-candide, mi-arrogant. Son regard baveux, presque cynique, parsemé de je-m’en-foutisme, néanmoins humble à la fois. Sa fort probable naïveté dans la vie de tous les jours, qu’il transpose en lignes, puis en numéros comiques sincèrement captivants. Ses punchs efficaces (terme souvent galvaudé en humour, mais qui condense tout ici), dégainés avec la précision d’un maître.

Oui, il peut parler de sa blonde, de son déménagement en banlieue, de son désarroi à la quincaillerie, des applications de rencontres, de son manque de sommeil dû à son statut de jeune papa, bref, nous remâcher le plat préparé ayant perdu toute saveur tant il a traversé toutes les salles de toutes les générations: dans la bouche de Simon Gouache, ça sonne comme du Simon Gouache, et c’est seulement purement et franchement drôle, qu’importe la stérilité du sujet.

Le coq à l’âne est ici roi. D’un conseil à Gregory Charles que Simon Gouache plaint de devoir se produire à Salut Bonjour (« T’es millionnaire, reste couché! »), on dévie sur un hommage au fabricant culinaire StarFrit, ses guirlandes de concombres et sa nouvelle mandoline annuelle. « C’est le Apple de la crudité (…) Sont à veille de faire des chars! »

Les malheurs de l’Ouzbékistan racontés aux bulletins d’informations? « Beaucoup de choses que je comprends pas dans une place que je connais pas! ». Sa vision de l’Assemblée nationale? « Des adultes en cravate qui se chicanent. » Puis, un possible projet de loi régissant les files d’attente à l’épicerie, la platitude du bain, son manque de patience, son voisin archi connaissant et trop serviable, son manque de culture culinaire..

Pourquoi le calcium et les raisins secs constituaient le fondement des principes santé pour les enfants des années 1980? À quel moment chercher l’âme sœur a cessé de se résumer à « mettre son coat et aller dans la vie »? Puis, la complexité d’avoir une petite fille, les toilettes des hommes « qui sentent le festival country », les écrans, le poil… On va partout avec Simon.

On le disait, exposé ainsi, Gouache fait penser à n’importe quel Laurent Paquin ou aux jeunes années d’un Louis-José Houde. Mais on s’emballe pour le « delivery », la performance de celui qui se promène dans son petit espace de jeu au gré de ses discours.

Et ses formulations coup de poing. Notre favorite? Quand il évoque que quiconque, en ce moment, avec la pénurie de main-d’oeuvre, se pointe dans un commerce avec un CV et un coeur qui bat sera embauché. L’illustration parfaite du style Simon Gouache.

Autrement dit, Gouache n’exerce pas l’introspection, ne nous ouvre pas ses tripes, et n’a probablement pas la prétention de nous faire particulièrement réfléchir, sinon pour qu’on reconnaisse nos propres réactions et réflexions dans ses différentes analyses.

On ne sonde pas les méandres de l’âme humaine à l’écoute de Live. Mais on rit, et beaucoup, et souvent. On n’en demandera pas davantage au comique moderne, qu’il sache ou pas entretenir son gazon.

Simon Gouache présente son spectacle Live en tournée. Toutes les dates sont sur son site web.

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