Pour son nouveau spectacle, justement intitulé Si je vous ai bien compris, vous êtes en train de dire…, Guy Nantel a pris comme point d’ancrage son passage on ne peut plus médiatisé en politique provinciale lors de la plus récente course à la chefferie du Parti Québécois.
Et surtout sa défaite, après laquelle il était, disons, inutile de demander un recomptage.
Sur scène, l’humoriste incarne avec énormément de fougue et un je-m’en-foutisme pleinement assumé le personnage d’un politicien sortant d’une épreuve confrontante, qui a décidé de prendre en grippe ses électeurs, voire la société dans laquelle nous évoluons et ses innombrables contradictions, en faisant une croix sur toutes notions de rectitude politique.
Et le résultat se révèle particulièrement intense, Guy Nantel s’attaquant à absolument tout le monde, n’hésitant même pas à envoyer promener son public et à le traîner dans la boue en adoptant un air hautain et savoureusement méprisant qui rendrait jaloux un Martin Matte.
Dès le départ, le politicien déchu règle ses comptes avec les journalistes ayant fortement questionné son passage en politique, plus spécifiquement Nathalie Petrowski, avant d’enchaîner avec un portrait étourdissant des dessous du PQ.
La COVID-19, les complotistes, les aînés en CHSLD, l’environnement, les promesses électorales, les véganes, les politiciens, les wokes, la démocratie, Nantel va certainement là où on l’attend, mais d’une manière qui demeure imprévisible de par la nature excessive et indubitablement provocatrice de ses propos.
« Ça n’a pas de bon sens » est une phrase que vous risquez de vous répéter souvent entre deux fous rires, ne croyant toujours pas à ce que vous venez d’entendre, mais appréciant néanmoins l’audace d’être allé aussi loin sans faire de compromis.
C’est par le caractère outrancier de ses discours ouvertement réactionnaires que Guy Nantel nous confronte à nos propres incohérences, notamment dans nos rapports aux autres, à l’Histoire, aux faits, et aux gestes que nous posons pour nous donner bonne conscience sans trop réfléchir à l’envers de la médaille.
Et le principal intéressé le fait en ne cherchant jamais à se penser au-dessus de la plèbe, sauf lorsque son personnage de scène l’exige (donc finalement assez souvent). Le portrait qu’il dresse de celui-ci est d’ailleurs loin d’être élogieux.
L’humoriste cherche constamment le trouble, prend la parole d’une façon agressive, et navigue habilement entre ses différents sujets en n’ayant jamais l’air de s’écouter parler ou en choisissant le message avant le gag (comme c’est parfois le cas avec les humoristes engagés moins doués).
Le tout en confrontant son public au moindre détour avec un malin plaisir, qu’il laisse paraître lorsque le masque tombe le temps d’un rire.
Le ton et l’approche privilégiés ici ne dépayseront pas les fans de Bill Burr, qui lui non plus n’a pas peur de toucher à des sujets sensibles, et se fout tout autant de ne pas faire l’unanimité. Il n’est pas tant question non plus de gauche ou de droite, mais plutôt des décisions contreproductives que nous avons tendance à prendre en tant que collectivité.
Un passage assez incisif sur les problèmes liés à la surpopulation rappelle d’ailleurs un numéro similaire qu’avait fait l’humoriste américain il y a quelques années, lequel est toutefois associé ici à une tout autre problématique.
En fait, les principales faiblesses de ce nouveau spectacle se manifestent dans quelques gags éparpillés un peu trop évidents (notamment sur la diversité sexuelle et de genre et la moustache de Manon Massé), venant ponctuer inutilement certains numéros en plus d'en saccader le rythme.
Autrement, Nantel parvient à surprendre en se permettant d’aller loin, très loin, déstabilisant son public en touchant à des éléments et des cordes sensibles susceptibles de le faire « canceller » en moins de deux.
Son personnage est méprisable à ce point.
D’un côté comme de l’autre, le mot clé ici demeure le même : « personnage ».
Et la morale au bout de l'histoire est peut-être, justement, qu'il ne faut jamais tout prendre au pied de la lettre, et s'indigner seulement pour s'indigner.
Tous les détenteurs de billets de Si je vous ai bien compris, vous êtes en train de dire… sont prévenus : vous allez vous faire narguer à un moment ou à un autre du spectacle. Et si vous êtes moindrement capable de suivre la cadence et de vous ajuster aux différents degrés d’interprétation des textes de l’humoriste, vous allez en redemander.
Pour tous les détails concernant les dates de spectacle de Guy Nantel, c'est par ici!