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Critique

Echo, du Cirque du Soleil : Raffiné et envoûtant

Le spectacle Echo du Cirque du Soleil au chapiteau du Vieux-Port de Montréal

Elle est maintenant bien finie, la pandémie qui a retardé de trois ans la mise sur pied de cette nouvelle création du Cirque du Soleil, Echo, qui vient de prendre l’affiche sous le grand chapiteau du Vieux-Port de Montréal. D’abord baptisée Sous un même ciel, la production a été retravaillée, rebaptisée et décolle aujourd’hui en première mondiale dans la province natale du Cirque, en épatant par son originalité, sa singularité et son raffinement.

Épurée, à la fois ludique et poétique, cette mise en scène de Mukhtar Omar Sharif Mukhtar rassemble des acrobates de toutes origines (Brésil, Éthiopie, Autriche, Italie, Guyane française, Russie, Argentine, Taiwan, France, Congo, Ukraine, Australie) et nous transporte dans un univers parallèle célébrant le lien entre les animaux et les humains, et l’environnement qu’ils partagent, avec un fort message écologique sous-jacent, mais pas du tout assommant.

L’histoire est ténue et sert surtout de prétexte à mettre de l’avant toutes sortes de créatures imaginaires évoquant les traits des animaux qu’on connaît (chien, éléphant, buffle, grenouille, oiseau, alligator, etc), magnifiés par l’imaginaire du Cirque du Soleil. Le personnage principal, Future, accompagnée de son chien, rencontre sur sa route des hommes à tête de Charlie Chaplin, ou de boîtes, et des bêtes d’une blancheur immaculée, à qui elle tendra la main pour bâtir, justement, un futur meilleur.

Sur scène, sept musiciens, dont six sont aussi chanteurs, assurent une trame sonore très typique du Cirque, tantôt saccadée, tantôt tout en langueur, où les percussions occupent une grande place. Comme principal outil de décor, un immense bloc sur lequel sont projetées des illusions d’optiques ou qui, parfois, se décompose en morceaux – l’effet est saisissant –, pivote et s’adapte au contexte, se dresse au milieu. Une trouvaille efficace, notamment lors d’un segment de jeux icariens qui n’a rien à envier au concept du jeu Tetris.

Echo éblouit avec des prouesses non nécessairement communes dans les spectacles du Cirque. Au diable l’éternelle et un peu redondante roue Cyr ou l’incontournable balançoire russe, on s’amuse ici dans des numéros de sangles élastiques, de fil mou, de mâts volants, de banquine, de trapèze Washington et de triple bascule, des disciplines plus rarement explorées, et on repousse plus que jamais le sens de l’expression « contorsion » à travers les mimiques de l’équilibriste congolais Strauss Serpent, qui a sûrement mal aux muscles à la fin de ses journées! Mais Echo n’a rien de survolté ou d’endiablé. On mise ici sur une certaine légèreté, avec des couleurs pâles, pastel, jamais criardes, avec lesquelles on joue beaucoup. L’être humain est ici à l’honneur dans des pyramides, des performances d’acrodanse ou de diabolo et autres assemblages illustrant que l’union fait la force.

L’ensemble est vivant, dynamique, mais une grande impression de douceur se dégage des différents tableaux, qui portent des noms évoquant la science (« Cartographe », « Extraction »), la faune bestiale (« Lucioles », « Animaux en péril », « Amour d’un chien ») et l’espoir d’un monde meilleur (« Symbiose », « Résister & s’exprimer », « Reconstruire »). Moins festif que Kooza – qui a battu un record d’affluence l’an dernier –, moins onirique qu’Alegria ou Toruk, Echo trouve le fin équilibre entre divertissement et l’art abstrait que les artisans de cirque se plaisent parfois à exagérer. Ici, tout est nuancé et bien dosé. Peut-être moins familial que les prestations clownesques à la Corteo, Echo surprend ainsi en revanche par sa maturité.

Le clou de l’enchaînement survient juste avant l’entracte, avec l’entrée en piste d’un immense géant construit de formes géométriques (dont les membres, bras, jambes, etc., sont habités par des acrobates!) qui se déplace sur sa plateforme circulaire dans toute sa splendeur, et arrive à cueillir une femme dans sa main. L’extrait est spectaculaire. La vignette de suspension capillaire aussi, laquelle culmine… sur les dents (au propre comme au figuré!)

D’autres mignons ajouts, comme ces drones papillons qui survolent la foule, cette tour de boîtes qui n’en finit plus à fin de parcours – et qui nous fait retenir notre souffle! – et les apparitions, à tout moment, dans la foule de différents personnages de l’univers d’Echo, achèvent de compléter cette conception remplie de belles surprises, parfois touchante, qui se démarque nettement du reste du catalogue du Cirque.

Il y a, certes, quelques ajustements à apporter au résultat final, Echo entamant tout juste son existence qui le mènera ailleurs sur le globe. Mais on peut dire qu’après le hiatus dû à la COVID-19, la première nouveauté du Cirque vaut le détour et trouve un unique… écho.

Le Cirque du Soleil présente Echo à Montréal jusqu’au 20 août. Pour plus d’informations, consultez le site web du Cirque.