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Série documentaire

Les collectionneurs d’enfants : Paul Arcand s’attaque à la cyberpédophilie

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Quand Paul Arcand s’attaque à un fléau, on sait que le résultat sera percutant. Habitué, comme il le dit lui-même, des sujets « deep and dark, mais essentiels » (les enfants agressés, la surconsommation de médicaments, la vitesse et les tragédies sur nos routes), l’éminent journaliste et animateur prend aujourd’hui à bras-le-corps une problématique bien actuelle et, on le craint, loin d’être en voie d’élimination : la cyberpédophilie et ses ravages.

La série documentaire en trois épisodes Les collectionneurs d’enfants s’ajoute à la plateforme Vrai aujourd’hui, mardi 18 octobre. Les trois heures, qui ont demandé deux ans de travail (compliqué par la pandémie) et la collaboration d’entités généralement hermétiques (le SPVM, la SQ, la DPJ, les services correctionnels de la prison de Sept-Îles, etc), ne sont pas trop glauques, et on sent que ses artisans n’ont pas souhaité appuyer inutilement sur les détails sordides. La réalisation minutieuse d’André St-Pierre (La traque, Deuxième chance) fait parfois penser à un thriller et montre ce qu’elle doit montrer, pas plus, pas moins.

Mais Les collectionneurs d’enfants, avec ses témoignages de victimes (dont Audrey qui, à 14 ans, a été leurrée et agressée sexuellement par trois hommes qui ont filmé le viol et en ont partagé les extraits sur Internet), de consommateurs de pornographie juvénile, de policiers (qu’on suit dans leurs opérations d’infiltration des réseaux) et d’employés de la DPJ qui mènent l’enquête, demeure évidemment difficile à regarder. Le propos est lourd, souvent dégoûtant, même si sobrement traité.

Le problème est d’une ampleur telle que, dans les services policiers du Québec, il y a quelques années, une dizaine d’enquêteurs bossaient à combattre le proxénétisme et la pornographie juvénile; ils sont aujourd’hui une quarantaine à scruter les enjeux de l’exploitation sexuelle. Parce qu’à l’ère de l’omniprésence d’Internet, il est plus simple de cliquer d’une page à l’autre que de stocker des magazines et des cassettes VHS comme autrefois. Selon les données web recensées, le Québec serait un plus grand consommateur de pornographie juvénile que l’Ontario et les autres provinces du Canada. Tristes statistiques…

Inconscience

Le premier épisode s’intitule « C’est pas un enfant, c’est une vidéo », un titre qui résume bien la façon de penser de ces « collectionneurs d’enfants ».

Des hommes, inconscients de la gravité de leur vice, confient s’imaginer que les enfants impliqués dans des scènes sexuelles dégradantes sont comme de jeunes acteurs qui feraient du cinéma. Ils ne réalisent pas que, dans chaque image, il y a une petite victime d’abus sexuel. « Plus on embarque là-dedans, on n’en a jamais assez. C’est comme une drogue », avoue l’un d’eux de sa véritable voix, sans qu’on ne voie son visage. L’homme en question, en instance de séparation quand il a « découvert » ses penchants, pour lesquels il a été arrêté, fréquentait les sites de porno comme d’autres les sites de cuisine, pour s’évader de son quotidien. D’un « pop up » à l’autre sur son écran, il a fini par télécharger une trentaine de milliers de fichiers sadomasochistes, avec des jeunes adolescentes (de 10 à 12 ans). De l’âge de 6 à 8 ans? « Il y en avait des belles », avance-t-il sans gêne. Ses préférées? Celles où les gamins paraissaient avoir du plaisir…

Les collectionneurs d’enfants alterne les confidences et témoignages poignants ou révoltants et se déplace dans différentes villes pour cerner cette réalité hélas bien démocratisée, partout. Aux yeux de certains interviewés, une paire de cuisses féminines est émoustillante, qu’elle appartienne à une fillette de huit ans ou une femme de 50 ans. Une ado de 12 ans a vu des vidéos de ses relations sexuelles, captées à son insu, circuler sur la toile. La maman d’une adolescente de 14 ans a été contactée par l’école de sa fille, laquelle a été filmée en train de faire une fellation à un garçon. Et ainsi de suite.

On a également droit à l’échantillon de la détresse d’une femme de Saint-Léonard, dont le conjoint « s’amusait » illégalement à son insu, et qui a été détenu et a comparu en cour. La dame, aux prises avec un stress post-traumatique, a choisi de rester avec son mari et de le soutenir, mais la confiance n’est plus la même entre eux, insiste-t-elle. L’intimité non plus. Questionnée dans le deuxième épisode, Geneviève Guilbault, ministre de la Sécurité publique, s’inquiète de l’âge de plus en plus tendre des victimes de la cyberpédophilie, et assure que son ministère déploie toutes les ressources nécessaires pour contrer cette calamité.

Paul Arcand admet avoir dû se « bâtir une carapace » pour fouiller ce sujet tellement chargé et garder son sang-froid en rencontrant les coupables.

« On essaie de se créer un certain blindage, mais tous les films que j’ai faits m’habitent encore à différents moments. J’ai la chance d’avoir un micro, une certaine notoriété, des gens qui veulent travailler avec moi et un diffuseur prêt à embarquer; mais est-ce que c’est tough de parler avec un agresseur? Ben oui. Mais ça prend ça, et ça fait partie de ma job », a affirmé celui qui dit avoir un « méchant doute » sur la réhabilitation possible des cyberprédateurs, à risque de retomber dans leur spirale infernale dès qu’ils ont un écran sous les yeux.

Paul Arcand, qui compte continuer de plancher sur des documentaires une fois qu’il aura quitté le 98,5 FM en 2024 (il fait le point sur ses projets ici) sait que Les collectionneurs d’enfants n’enraiera pas le poison de la cyberpédophilie d’un coup de baguette magique. Mais il considère qu’un pavé aura au moins été jeté dans la mare.

« L’objectif est de montrer une réalité et de provoquer une discussion, c’est le rôle du documentaire. Une discussion à deux niveaux : chez les citoyens, entre les parents et leurs ados, et chez les décideurs. Que ça marche ou pas. On travaille fort pour essayer de provoquer quelque chose », a soutenu Paul Arcand, qui espère toujours donner une voix aux plus vulnérables, aux sans-voix.

Paul Arcand était présent à Tout le monde en parle, dimanche. Il a commenté ici l’entrevue un peu étrange de Lisa Ray, la fille de Tony Accurso.

Récemment, la plateforme Vrai dévoilait aussi un bouleversant documentaire sur les regrettés Marie-Soleil Tougas et Jean-Claude Lauzon, dont certaines images ont été difficiles à revoir pour Sébastien, le frère de Marie-Soleil. Apprenez-en plus ici.

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