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Entrevue avec l'autrice

La violence insidieuse, qui peut toucher n'importe qui : Le cas de Roxanne dans À coeur battant

À coeur battant

Il y a une véritable incompréhension autour de la violence et de ses trop nombreuses ramifications, que ce soit dans les couples, les familles ou les différentes interactions sociales. L'autrice Danielle Trottier en a fait son cheval de bataille dans sa série À coeur battant, qui expose pour mieux sensibiliser. Qu'elle soit sournoise ou frontale, la violence s'immisce dans chacune des intrigues, toujours bouleversantes, imaginées par l'autrice. Le cas de Roxanne Dumouchel, interprétée par Catherine Paquin Béchard, nous fascine, puisqu'il représente la situation de bien des femmes qui se retrouvent prises au piège de la violence conjugale.

Pourtant, cette jeune femme, telle que dépeinte par Danielle Trottier, semble avoir tous les outils pour reconnaître la violence. Elle est intervenante au Centre de prévention de la violence, du moins elle l'était avant que son amoureux l'oblige à quitter son travail, elle est entourée de personnes qui sont habilitées à l'aider et elle connaît toutes les ressources disponibles. Pourtant, dans sa relation avec Patrick L'Allier (Jean-Nicolas Verreault), le frère de Christophe L'Allier (Roy Dupuis), la violence s'installe insidieusement. L'isolement, puis les crises qui s'accentuent, les comportements destructeurs et les accusations remplacent progressivement les moments doux. Son mariage se teinte d'agressivité. Pourquoi ne fuit-elle pas?

L'autrice Danielle Trottier se montre ferme lorsque vient le temps d'expliquer cette situation : « C'est comme si on ne voyait que la professionnelle en elle. Elle est une femme comme les autres, elle a plusieurs outils. Qu'est-ce qu'on a dit à cette femme-là, comme on t'a dit à toi, comme on t'a dit à moi? Tu ne quittes pas quelqu'un aux premières petites chicanes. Tu donnes une deuxième chance. Tu es patiente. Comment on a élevé les femmes? Roxanne est le pur produit culturel des femmes du Québec, qui a de la compassion, qui a de la patiente, qui a de l'empathie pour les autres. Elle vit tout ça, avec Patrick. […] C'est facile de dire "voyons donc, pourquoi elle ne se réveille pas?". Combien de fois les femmes qui vivent de la violence se font dire " Coudonc calvaire, pourquoi tu ne t'es pas sauvée?" Parce que ce n'est pas simple de même! »

De son côté, Patrick L'Allier est rongé par des souvenirs enfouis d'une enfance malheureuse, marquée par les mauvais traitements et les abus. Il n'a pas appris comment réagir face au bonheur. Son interprète nous dit : « Il vient tellement d'une famille dysfonctionnelle qu'il ne peut pas avoir de relation saine, même s'il voulait. Ce n'est pas un personnage que j'aborde en me disant que c'est un manipulateur, c'est un ci, c'est un ça... Je l'aborde comme un gars qui a énormément de blessures et qui essaie, mais ça ne sera jamais sain, il ne sera jamais capable. » Ce faisant, Jean-Nicolas Verreault incarne un archétype de la violence; l'homme qui n'est pas que mauvais.

L'autrice nous confirme que cette histoire continuera après les fêtes et s'amplifiera : « Il y a une telle incompréhension de ce que les femmes vivent quand elles sont dans les couples que je ne raterai pas mon coup avec ce couple-là. Je vais vous montrer comment ça peut être insidieux, comment ça peut prendre du temps. Si vous avez remarqué, Patrick, une seconde il n'est pas endurable, mais la seconde d'après il est très amoureux. »

Ce faisant, tout comme l'avait fait Ingrid Falaise dans Le Monstre, Danielle Trottier expose une réalité encore taboue, difficile à comprendre : la violence peut toucher tout le monde et pas que les personnes vulnérables. « On est toutes susceptibles de vivre ça, toi, moi, ta voisine, ta mère, ta soeur! Tout le monde est susceptible de le vivre et c'est insidieux. Et ils peuvent le vivre au travail, avec un gynécologue, avec le voisin, avec son meilleur ami. La violence, ça n'appartient pas qu'aux violents. Les gros violents, on les voit venir 100 miles à la ronde. Les violents qui ne savent pas qu'ils sont violents, il y en a une tralée. Eux autres, ils ne sont pas violents à temps plein, ils sont violents des fois. Est-ce qu'on endure ça? Est-ce qu'on n'endure pas ça? »

Il faudra être à l'écoute dès le mardi 9 janvier 2024 à 20 h pour en savoir plus sur cette histoire.

Par ailleurs, Danielle Trottier nous confirme qu'elle abordera davantage la violence qui s'installe de manière subreptice dans la deuxième saison de sa série : « Dans la deuxième saison, je vais aborder une situation de violence où il n'y a pas de cri, pas de coup. Je vais vous montrer à quel point c'est insidieux, parce que la victime ne peut même pas obtenir de l'aide, parce que le producteur de violence ne correspond pas à la brute. Je vous en ai montré plusieurs des brutes, c'était frontal. Là, je vais aller dans quelque chose d'un peu plus nuancé. Ça pourrait être un peu plus difficile à comprendre, mais je n'ai pas de doute que tout le monde est capable. »

C'est à ne pas manquer!

Rappelons que dans le même entretien, l'autrice a abordé le futur de Christophe L'Allier, qui s'apprêtait à commettre l'irréparable dans la finale de saison d'À coeur battant. Ce personnage bien-aimé glissera-t-il lui-même dans la violence?