Le Québec s’est attaché à elle dans la peau d’une Virginie dévouée à ses élèves, on l’a aimée dans Yamaska, encore un peu plus dans C’est comme ça que je t’aime, mais c’est à 57 ans, dans la nouvelle série Ma mère, que Chantal Fontaine joue « le » rôle de sa carrière. À tout le moins, on se souviendra autant de sa Chantal Bélanger de Ma mère que de sa Virginie en survêtement d’éducation physique, c’est certain.
La télévision québécoise explore de plus en plus la fiction d’anthologie, à la Plan B ou Virage (sur Noovo après les fêtes) : un(e) même concept, sujet ou trame de fond, avec des univers et des personnages différents. Ainsi, après la bouleversante Mon fils, qui traitait de la schizophrénie, les auteurs Anne Boyer et Michel d’Astous demeurent dans la lignée familiale et de la santé mentale avec Ma mère.
Cette fois, c’est le sensible chemin d’une maman bipolaire en pleine réinsertion sociale qu’on suivra avec émotion. Encerclez la date du mardi 8 novembre, à 20 h, pour voir le premier des 6 épisodes, Ma mère succédant à Anna et Arnaud dans la grille de TVA.
L’histoire réalisée par François Bouvier (Ruptures) commence alors que Chantal, 58 ans, sort de prison, où elle n’a pas exactement vécu une année de Club Med, après avoir purgé le tiers de sa peine. Son récent diagnostic de bipolarité en poche, la femme délurée, un peu colorée, s’engage à respecter les strictes conditions de sa liberté conditionnelle, non sans chanceler un brin.
La bourde qui a mené Chantal derrière les barreaux? On comprend qu’il est question de fraude, mais ça demeure flou dans les deux premiers épisodes. Son but désormais? Se rebâtir une vie honnête, sobre et stable. Ça ne sera pas simple. « Faut pas que tu dérapes. Choisis tes batailles », se répète-t-elle avec angoisse, derrière une façade un peu frivole.
Mère manquante, enfants manqués?
Le retour au quotidien « ordinaire » n’est pas facile, bien sûr. Le compte en banque de notre anti-héroïne est à sec. Elle tente de retracer quelques fantômes de son passé, non sans peine. Ses premières interactions sociales sont chaotiques. Elle en bave pour dégoter un emploi tout simple.
Heureusement, sa grande amie Dominique, surnommée « Moman » (Sonia Vachon, dont la complicité avec Chantal Fontaine est parfaite), la soutient inconditionnellement.
Mais, plus important encore, la confiance entre la mère égocentrique et sa progéniture échaudée est visiblement ébranlée. Car, même avant sa réclusion, on comprend que Chantal ne représentait pas l’idéal maternel et était plus souvent partie en galère qu’investie auprès de sa couvée.
La pragmatique Justine (Rachel Graton), réagit bien quand elle voit l’auteure de ses jours se pointer à la boulangerie dont elle est propriétaire, mais cultive une méfiance légitime. Son garçon, Éric (Steve Gagnon), est très zen de sa réapparition, mais l’aînée Valérie (Marilyn Castonguay), en colère, qui en veut à sa mère pour ses frasques et ses absences, se montre réfractaire à renouer avec elle. Elle rate d’ailleurs le premier souper de retrouvailles prévu aux premières heures de Chantal au grand air. Ironiquement, Valérie, avec sa vie un tantinet rock and roll de jeu, de drogue, de mensonges et de farniente, est peut-être celle qui ressemble le plus à sa génitrice.
Le premier contact entre la mère et la fille sera blessant pour toutes les deux. Il le deviendra encore davantage quand la matriarche décidera, pour se renflouer, de vendre la maison familiale – dont elle est la propriétaire – que Valérie n’a jamais quittée, après avoir pris soin de leur père décédé tout au long de la maladie de ce dernier. La reconstruction du lien démarrera sur de très mauvaises bases. On comprend aussi rapidement que le contexte familial complexe dans lequel Justine, Éric et Valérie ont grandi affecte toujours leurs relations actuelles… et que le narcissisme de Chantal peut aller loin.
Luc Senay reprend dans Ma mère son rôle de psychiatre de Mon fils, et soyez à l’affût; d’autres clins d’oeil avec le premier volet (sorti sur Club illico en 2020, et toujours disponible sur la plateforme) pourraient se glisser ici et là! Vous reconnaîtrez également peut-être des lieux de tournage, comme la Plaza Saint-Hubert et le boulevard Gouin, à Montréal.
En crescendo
La direction de TVA promet, avec Ma mère, une intrigue en crescendo, qui deviendra de plus en plus saisissante au fil des six épisodes d’une heure. Le début est tranquille, le récit se place lentement, mais on comprend vite que la réhabilitation de Chantal sera turbulente… et intéressante!
Les auteurs (et producteurs) Anne Boyer et Michel d’Astous, de Duo Productions, espèrent poser un regard de compassion, dépourvu de leçons, sur la maladie mentale avec des projets comme Ma mère et Mon fils, humaniser ces personnes souffrantes qu’on qualifie trop souvent de « folles » et de « fous ». Chantal Fontaine, elle, a parlé de son rôle comme d’un défi dense, fort chargé en émotions. « Ma plus petite scène, c’était une fellation », a-t-elle blagué en visionnement de presse, mercredi. « J’ai travaillé fort, rencontré des gens qui vivent de près avec le trouble bipolaire, pour me rendre compte qu’il emprunte plusieurs visages », a ajouté la comédienne, sur une note plus sérieuse.
Ma mère, le mardi, à 20 h, à TVA. Dès le 8 novembre.