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Catherine St-Laurent dénonce les conditions de tournage du Québec

« Je te dirais que ce qui me manque c’est le lien avec les gens, d’être tout le temps avec eux », nous racontait Catherine St-Laurent, après nous avoir glissé quelques mots sur sa participation à Indéfendable, une première quotidienne depuis District 31. « On dit tout le temps que le plateau de tournage c’est comme une famille, mais jamais autant que quand tu es pendant 3 ans avec les mêmes personnes tous les jours, surtout pendant la pandémie, pendant laquelle on ne pouvait voir personne d’autre que nous les comédiens, c’était ça ma bulle, fait que d’avoir ce lien-là constamment avec d’autres gens tous les jours, ça, ça me manque. »

Mais de tourner à ce rythme-là, de travailler comme ça, ça ne me manque absolument pas, et ce n'est pas normal, ça ne devrait pas être comme ça. C’est en train de se standardiser, de faire de la télé comme ça, et ce n'est pas une bonne idée… Il n'y a personne qui veut travailler sous pression, qui veut "botcher". Et de ne pas bien faire les choses, d’y aller pour la rentabilité plutôt que la qualité, je pense que ce n'est pas une bonne avenue.

Elle pointe du doigt une réalité sur laquelle beaucoup se ferment encore les yeux : « En ce moment, on est dans un engrenage où on n’a pas d’argent et on est pris dans une télé qui ne résonne plus chez les gens dans leur télévision. Le mode de consommation télévisuelle a complètement changé, le modèle n’est plus le même, pis nous on se fie encore à des cotes d’écoute de télévision, mais les gens n’ont plus de télé. En ce moment, on est à la croisée des chemins, il faut se renouveler, il faut faire autrement, il faut aller chercher les jeunes, il faut les intéresser à notre culture d’ici. Pis là on se réveille, mais on se réveille parce qu’on a frappé l’iceberg. Il aurait peut-être fallu voir l’iceberg arriver. On le sait qu’il arrive l’iceberg depuis des années, depuis que Netflix est là qu’on le sait que c’est ça qui s’en vient pour la télé, parce qu’on a un système de financement public pis d’État, pis que ça prend de bouger des montagnes, ça fait que là on rentre dans la montagne et je ne sais pas ce qui va arriver. C’est tout le monde, c’est la culture au complet qui va souffrir. Si on ne consomme plus notre culture à nous, qu’est-ce qu’on fait? On ne peut pas juste consommer de la culture des États-Unis. »

Lorsque la comédienne rêve à son avenir professionnel, elle est désillusionnée. Elle sait qu'il est tout sauf assuré. « Il y a un bris entre la culture internet et la culture plus traditionnelle, c’est sûr, mais oui moi je pense que j’aurai pas le choix de me tourner vers ça [la culture d'internet - NDLR], parce qu’en ce moment je sais pas si je vais être capable de faire mon métier. »

J’ai déjà l’angoisse d’être comédienne, pis de vivre à contrat et de ne pas savoir si je vais être engagée, faire des auditions, me faire rejeter, non seulement ça, là en plus je me demande si il va y avoir des trucs qui vont être produits, et à quel prix, avec quel degré de qualité? Je trouve ça vraiment stressant pour l’avenir de mon métier. En ce moment, je suis constamment en train de me dire que je vais peut-être devoir faire autre chose parce que je ne sais pas où on s’en va, je n'en ai aucune idée et c’est épeurant.

Elle est ouverte à essayer autre chose, mais pas à n'importe quel prix. « Ça ne m’intéresse pas de travailler pour travailler. Je suis peut-être "picky", je suis peut-être "snob", mais pour moi, je ne peux pas m’impliquer dans un projet si mon cœur n'y est pas à 100%, sinon je suis malheureuse. Je suis plus malheureuse à faire un projet qui n'est pas cher à mon cœur, que d’être chez moi sans travail. Parce que je me sens en conflit avec moi-même, ce conflit-là il est comme invivable pour moi. Je veux dire, je fais ce métier-là, je fais de l’art parce que j’y crois pis faut que ça me parle. »

Quelle belle démarche intègre et un bel exemple d'affirmation de soi qu’incarne Catherine St-Laurent. Nous sommes de tout cœur avec les artisans et artistes du petit écran dont le travail est affecté par ces grands changements de cap.

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