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Critique

Un Bodyguard qui brille de mille feux

Le spectacle Le Bodyguard à l'Espace St-Denis

C’est probablement le spectacle dont le Québec avait besoin après la tempête de glace qui l’a assailli mercredi et qui prive encore des milliers de foyers d’électricité. Dont les amoureux de comédie musicale et de Whitney Houston avaient besoin, à tout le moins!

On parle ici bien sûr du Bodyguard orchestré par le metteur en scène Joël Legendre, qui a mis le paquet en paillettes, en bons sentiments et bien sûr en chansons de Whitney – qu’elles soient issues du Bodyguard ou pas, puisque tout le répertoire de la défunte chanteuse est mis à contribution – dans son adaptation locale du légendaire film de 1992 avec Whitney Houston et Kevin Costner. « Queen of the Night », « How Will I Know », « I Will Always Love You », « Greatest Love of All », « I Wanna Dance With Somebody »... Vous avez le goût de fredonner?

Le Bodyguard de Legendre brille, scintille, irradie de costumes étincelants et colorés, de numéros de tous types de danse (chapeau au directeur chorégraphique Steve Bolton qui a su aller dans tous les spectres, de la danse urbaine à latine en passant par la valse), de joie de vivre contagieuse et de glam clinquant. Après tout, le personnage principal s’apprête à aller remporter un Oscar! « Notre » Bodyguard est pétillant, rempli d’un amour auquel on croit – ne s’agit-il pas là de l’une des plus grandes romances du septième art populaire américain? – et, qualité suprême, pas trop long et sans longueurs. En moins de deux heures, incluant l’entracte, l’idylle passionnée est consommée, puis bouclée.

On était pourtant sceptiques en entrant dans la salle de l’Espace St-Denis, jeudi, soir de première montréalaise. D’abord parce que ce Bodyguard québécois s’est monté très vite. La production a été annoncée fin novembre et la distribution a été officialisée début février, pour un lancement des représentations à la fin mars; pour une création de cette envergure, la course en coulisses prenait des allures de sprint, et on sait que les fins de marathons bâclées culminent plus souvent en foulures qu’en triomphes.

Puis, Jennifer-Lee Dupuy – qui travaille « de jour » dans l’industrie de la construction! – avait beau avoir enchanté les artisans décideurs, elle n’avait aucune expérience de comédienne. En audition, c’est bien, mais devant des parterres pleins à craquer, comment allait-elle se débrouiller?

Mais mal nous en prit d’avoir douté en admirant les jolis tableaux qui racontent l’histoire d’amour connue de tous, essentiellement popularisée au cinéma par le réalisateur Mick Jackson et le scénariste Lawrence Kasdan, puis portée sur scène dès 2012 (dans le West End, à Londres, en Europe et à Toronto), celle de l’étoile Rachel Marron chargée d’être protégée contre son gré par le garde du corps Frank Farmer parce que menacée par les lettres d’un « admirateur » harcelant. D’abord réticents, le protecteur et la protégée tomberont d’un amour puissant, mais torturé.

Sans être renversant, le résultat est donc heureux et nettement à la hauteur des attentes. Le lot d’interprètes est attachant, particulièrement les deux artistes principaux, Jennifer-Lee Dupuy et Frédérick De Grandpré, dont la complicité paraît sincère, et les voix, sans travers. Dans la peau de Nicki, la sœur envieuse de Rachel, Sharon James est également princière (notons que le rôle sera personnifié par Maëva Grelet, de Star Académie 2021, pour les représentations du Bodyguard à Québec cet été). Et que dire de l’adorable Roman Via Diadhiou, craquant dans le rôle du petit Fletcher, le fils de Rachel!

Joël Legendre a eu la sagesse de ne pas se risquer à traduire en français les paroles des morceaux de la trame sonore. Le décor, lui, se fonde principalement sur une structure de panneaux amovibles sur lesquels se projettent les ambiances multiples, et sur les accessoires correspondants. Une sobriété sans doute due à des questions de budget, mais rachetée par l’énergie déployée. La finition visuelle est parfois criarde – on pense à ces palmiers défilant sur fond ensoleillé de rouge, de jaune et de mauve, sur « I’m Every Woman », en deuxième partie –, un doux excès qui fait sourire plus que tiquer.

Les inconditionnels se délecteront de non pas une, mais deux versions d’« I Will Always Love You » (dont celle popularisée par Dolly Parton). Celle livrée en fin de prestation sur image d’avion à décoller ravira les coeurs nostalgiques, tout comme la fiesta finale endiablée sur « I Wanna Dance With Somebody », qui présente tour à tour les acteurs-chanteurs au public. De quoi nous requinquer le moral verglacé!

Le Bodyguard est présenté à l'Espace St-Denis, à Montréal, jusqu'au 15 avril, puis y reviendra en supplémentaires du 23 novembre au 3 décembre. Il tiendra ensuite l'affiche du Capitole, à Québec, en juin et juillet, puis de l'Amphithéâtre Cogego, à Trois-Rivières, en septembre. Pour toutes les dates : musicorspectacles.com.