Radio-Canada continue de courtiser le public des 16-25 ans avec la nouvelle série Les petits rois, dont la première saison sera offerte à compter du 27 mai, sur ICI Tou.tv Extra.
Une stratégie qui pourrait certainement devenir payante sur le long terme, si nous considérons les habitudes de consommation de contenus télévisuels de cette tranche d'âge.
Ce premier tour de piste, composé de six épisodes d’une heure, cherche par tous les moyens à effectuer un travail de sabotage en règle des conventions et des clichés propres à ce type de séries, mais sans jamais les tasser complètement du revers de la main.
Les petits rois prend d’ailleurs les bouchées triples dès les premières minutes pour accrocher son public cible en présentant un univers on ne peut plus dégourdi et inclusif à tous les niveaux, en parlant son langage, en ne lésinant pas sur la provocation et la vulgarité, et en abordant ses principales préoccupations (premiers amours, angoisse environnementale, nombre d’abonnés Instagram, etc.).
Mais si la production fait continuellement la promotion du respect des différences de tout un chacun, cela ne veut pas dire que l’intimidation et une certaine forme de hiérarchie sociale n’existent plus dans les corridors de l’école fréquentée par les jeunes protagonistes. Non, madame!
Les petits rois débutent alors qu’une étudiante met en branle son plan de vengeance pour tenter de faire tomber les deux têtes fortes de son école, Julep et Adaboy. Deux adolescents prétentieux à l’extrême qui ont un peu trop profité de leur popularité et de leurs talents au fil des ans pour écraser les autres et s'accaparer une place démesurée dans l’écosystème étudiant.
Dès le départ, l’idéateur et producteur au contenu Jeffrey Wraight et les autrices Marie-Hélène Lapierre et Justine Philie prennent le pari de présenter cette histoire en nous exposant d’abord à l’écroulement du petit univers des deux principaux intéressés et de leurs camarades tout aussi narcissiques.
Et le trio arrive à ses fins en ne nous demandant pas de nous identifier à ces personnages, d’abord dépeints comme étant aussi méprisants que méprisables, mais plutôt de nous intéresser davantage à ce monde où empathie et cruauté se côtoient continuellement, à la fragilité des relations humaines, aux ambitions et aux déceptions de jeunes individus dont les qualités sont autant soulignées que les défauts.
Le tout teinté d’une légère atmosphère de paranoïa habilement mise en place.
Nous devons d’ailleurs souligner l’audace de Radio-Canada d’avoir voulu s’aventurer sur ce terrain encore peu exploité au Québec en se rapprochant davantage de la formule américaine de séries comme Riverdale et 13 Reasons Why pour offrir quelque chose d’un peu plus décalé à son jeune auditoire.
Si la base du récit des Petits rois s’appuie sur des notions somme toute réalistes, tout le reste est exagéré à outrance, de l’attitude générale des personnages à la direction artistique extravagante et très colorée, en passant par les stratagèmes élaborés pour tenter de nuire à certaines réputations.
Une exubérance qui confère également à la production une plus grande latitude au niveau de l’élaboration et de l'exécution des différentes situations dramatiques.
Et la jeune distribution formée de Pier-Gabriel Lajoie, Alex Godbout, Chanel Mings, Célia Gouin-Arsenault, Karl-Antoine Suprice, Lévi Doré, Myriam Gaboury, Audrey Roger et Ahmed Chirara navigue dans cet univers avec un plaisir évident.
De son côté, Julien Hurteau propose un travail tout aussi léché, détaillé et dynamique à la réalisation, se nourrissant pleinement de la folie et de l’aspect plus grand que nature de l'intrigue.
Sans chercher à jouer avec les « interdits » ou à repousser certaines limites, Les petits rois se déploie sans retenue ni demi-mesure. Et il n’aurait pu en être autrement. Pour que ce type de proposition fonctionne à l'écran, il est primordial que ses créateurs en embrassent les moindres excès. Une idée que tout le monde ici a visiblement bien comprise.