Est-ce que Don Juan est une excellente comédie musicale? Non. Est-ce que Don Juan est une très mauvaise comédie musicale? Non. Est-ce que c'était une bonne idée qu'on voit d'abord Starmania avant Don Juan? Non.
Même si l'envie nous taraude de comparer les deux productions (qui n'ont pas du tout la même envergure, ce serait donc une compétition complètement déloyale), nous tâcherons d'être le plus objectif possible dans notre appréciation de ce Don Juan, spécial 20e anniversaire.
L'une des choses qui nous titillent d'abord dans Don Juan, c'est sa thématique qui n'est pas très actuelle : la masculinité toxique n'est pas un concept très tendance, même s'il est véhiculé par un bel espagnol à la longue chevelure voluptueuse. Sommes-nous de mauvaise fois de réduire un mythe datant 17e siècle à un comportement sociétal contemporain? Probablement, mais avec nos yeux de femme occidentale moderne, cette histoire ne peut que nous faire soucier.
Si on laisse nos belles valeurs de femmes libérées de 2024 au vestiaire, est-ce que la comédie musicale Don Juan est plus appréciable? Oui, tout à fait. Bien entendu, c'est un peu « quétaine ». Cette histoire d'amour manque de subtilité et tourne les coins ronds en de nombreuses occasions, mais ces vers d'oreille qu'on a chantés inlassablement au début des années 2000 nous sont livrés avec justesse par une distribution efficace, à commencer par Gian Marco Schiaretti, un Italien de 37 ans qui possède le charisme pour jouer les briseurs de coeurs sévillois. Olivier Dion s'avère aussi convaincant dans le rôle du meilleur ami de Don Juan, tout comme Cindy Daniel, sous les traits de l'amoureuse Maria.
En première partie, les chorégraphies de groupe, très colorées et fringantes, posent irrémédiablement un sourire sur notre visage. Le numéro « Du plaisir », dont 90% de la population québécoise de plus de 30 ans connaît l'entièreté des paroles sans trop savoir pourquoi, donne envie de se déhancher sur son siège. D'ailleurs, c'est encouragé (ça aide à faire passer la pilule de la masculinité toxique 😬).
Le ton devient beaucoup moins rigolo au fur et à mesure que s'écoule la deuxième moitié du spectacle, alors que la jalousie vient court-circuiter l'amant maudit. La finale, plutôt tragique, n'empêchera personne (heureusement ou pas) de fredonner « Changer » jusqu'à son retour à la maison, peu importe la distance à accomplir et le moyen de transport utilisé.
Don Juan fait partie de ces classiques qui, bien que kitsch et politiquement incorrect, crée chez l'amateur de comédie musicale moyen un étrange sentiment de plénitude. Cette nouvelle version saura combler les amateurs de la première heure, sans créer, par contre, de nouveaux adeptes. Pour ceux qui connaissent et apprécient les nombreux succès musicaux du Don Juan de Félix Gray ne seront certes pas déçus par l'édition 20e anniversaire, présenté à la Place des Arts jusqu'au 24 août et à Québec, au Grand Théâtre, du 27 au 31 août.