Dans son nouveau film, Habiter la maison, Renée Beaulieu (Le Ring, Les Salopes ou le sucre naturel de la peau, Le garagiste) érige bien plus qu’un simple décor : elle construit un véritable personnage en pierre et en bois. Une magnifique demeure isolée en pleine nature devient le cœur battant du récit, témoin silencieux des joies et des déchirements qui traversent une famille sur une décennie.
Simon (François Papineau), entrepreneur en construction dans les Laurentides, a bâti cette maison de ses propres mains, croyant y façonner un foyer inébranlable. Pourtant, les fondations émotionnelles s’effritent lentement. Ses enfants, autrefois soudés sous ce même toit, sont désormais prêts à s’envoler. Andréa (Rose-Marie Perreault), malgré son trouble anxieux, rêve d’études supérieures ; Antoine (Antoine Desrochers), à qui Simon destinait la relève de l’entreprise familiale, préfère suivre son propre chemin, porté par une nouvelle relation amoureuse ; et Adèle (Émie Thériault), idéaliste, engagée dans toutes les luttes du monde, mais étrangement désengagée de sa propre famille. Pendant ce temps, Simon doit affronter un autre bouleversement : sa mère (France Castel), en proie à de graves pertes cognitives, s’efface doucement. Mais le coup de grâce viendra de son épouse Nathalie (Nathalie Cavezzali), qui, au détour d’un souper de famille, lui annonce qu’elle le quitte.
Avec un regard sensible et nuancé, Renée Beaulieu explore les thèmes de la transmission, du temps qui passe et de ces liens familiaux qui persistent malgré les non-dits et les conflits. Mais voilà : si Habiter la maison est une œuvre belle et contemplative, elle manque cruellement de rythme. Les scènes de repas se suivent et se ressemblent, les dialogues tournent souvent en rond et les enjeux se diluent dans la répétition. C’est peut-être le quotidien d’une famille parmi tant d’autres, et sans doute cette banalité fait-elle partie du propos. Mais est-ce suffisant pour captiver un spectateur?
Le découpage en cinq chapitres – Les années folles, La grande noirceur, La révolution tranquille, L’ère de glace, La renaissance – laisse croire à une évolution marquée des personnages, mais ce cadrage thématique semble parfois forcé, imposant au récit une structure plus théorique qu’organique. Le temps passe, mais on peine à ressentir les transformations profondes des membres de la famille.
Heureusement, les comédiens livrent d’excellentes performances, particulièrement France Castel et Rose-Marie Perreault, qui interprètent des personnages aux enjeux de santé mentale avec beaucoup de justesse et de délicatesse. François Papineau, quant à lui, semble parfois coincé dans un cycle de scènes redondantes, ce qui donne une impression d’inertie plus subie que jouée.
Reste la beauté indéniable des images. Les paysages enveloppants des Laurentides et l’architecture de la maison, imprégnée des souvenirs du passé et des silences de l’avenir, donnent au film une aura mélancolique qui séduit. Mais à force de soigner le chantier de bois, le film aurait peut-être gagné à creuser davantage le chantier humain.
Au final, Habiter la maison est un film où l'on voit la vie passer… parfois un peu trop lentement.