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Évelyne Brochu brille dans un drame tendre et sincère

3.0
Notre critique

Dans Phénix, Évelyne Brochu, Maxime Genois et Aksel Leblanc incarnent une famille confrontée à l’inévitable : le départ d’un père soldat vers l’Afghanistan. Modeste, mais touchant, le film puise sa force dans la sincérité de son propos et la justesse de son regard sur la réalité des familles de militaires.

Au milieu des années 2000, le départ imminent de Joël (Maxime Genois) vers l’Afghanistan agit comme un compte à rebours silencieux au sein de sa famille. Aux côtés de son épouse Michelle (Évelyne Brochu) et de leur fils Jacob (Aksel Leblanc), il tente de préserver les liens avant la séparation. En s’impliquant comme entraîneur de l’équipe de soccer de Jacob, il espère combler la distance qui s’installe. Mais les gestes d’affection se heurtent à la difficulté de mettre des mots sur l’angoisse du départ…

Avec Phénix, Jonathan Beaulieu-Cyr signe son premier long métrage en solo après Mad Dog Labine, coréalisé avec Renaud Lessard (2019). Le cinéaste, qui a grandi dans les quartiers militaires de Québec, s’inspire de son vécu de « fils de soldat » pour revisiter une période trouble de l’histoire canadienne : le déploiement controversé des Forces armées en Afghanistan. En choisissant le point de vue d’un adolescent, il capture à hauteur d’enfant le mélange de fierté, d’incompréhension et de peur qui traverse ces familles soudain propulsées dans un compte à rebours anxieux.

Là où le scénario se distingue, c’est dans sa manière de relier deux terrains de jeu : celui de l’armée et celui du soccer. L’esprit d’équipe, la camaraderie, la discipline et le courage trouvent des échos à la fois sur la base militaire et sur le terrain gazonné. Entre moments légers à saveur d’été et fêtes entre voisins militaires, les familles qui choisissent de profiter des instants simples plutôt que de se laisser envahir par l’angoisse du départ.

La distribution est homogène et convaincante. Évelyne Brochu livre une interprétation sensible, parvenant à insuffler de la profondeur à un rôle qui, sur le papier, pourrait se limiter à celui de « l’épouse qui attend ». Maxime Genois, quant à lui, incarne un père à la fois solide et vulnérable, évitant le cliché du héros invincible. Le jeune Aksel Leblanc se démarque par un jeu sobre et touchant : sans chercher l’effet, il parvient à transmettre une émotion juste qui participe à la sincérité du récit. Les comédiens qui incarnent les autres militaires (Alexandre Landry, Maxime Desjardins-Tremblay et le toujours excellent Charles Fournier qu’on voit plus souvent sur les planches qu’au grand écran) ajoutent eux aussi une belle authenticité, rendant crédible et humain cet univers souvent idéalisé au cinéma.

Sur le plan visuel, Phénix est moins constant. Certaines scènes profitent d’une lumière douce et enveloppante, tandis que d’autres souffrent d’un éclairage trop blanc ou incohérent, donnant parfois une impression de téléfilm, parfois de documentaire. Cette inégalité trahit un premier long métrage où l’envie de multiplier les approches visuelles prend parfois le dessus sur la cohérence globale.

Malgré ces réserves, le film trouve sa justesse dans la clarté de son propos. Beaulieu-Cyr évite le piège du patriotisme ou de la glorification militaire : son histoire reste profondément humaine. En filigrane, il rappelle que les décisions politiques ne touchent pas que ceux qui partent, mais aussi ceux qui restent… avec leur lot de blessures invisibles.

Sans révolutionner le drame familial, Phénix se distingue par sa sincérité et son ancrage local. En parlant de son « coin de pays », le réalisateur touche à l’universel, comme le conseillait Voltaire. Un film qui, à l’image de l’oiseau mythique, trouve dans ses blessures la force de se relever.