Le quotidien ordinaire de Maurice Richard montré dans un fascinant documentaire qui s'inscrit d'ores et déjà comme un pan important du patrimoine québécois.
Peu d'athlètes dans l'histoire sont devenus les porte-étendards des aspirations d'une minorité, voire de son affranchissement. Les Afro-Américains ont eu Muhammad Ali, les classes populaires argentines Diego Maradona, les aborigènes australiens Cathy Freeman. Au Québec, ce libérateur de peuple a eu pour nom Maurice Richard, le symbole du Canadien français qui se tient debout devant les anglophones.
Avec René Lévesque et Félix Leclerc, en politique et en chanson, le célèbre numéro 9 du Canadien a contribué à sa façon, par ses exploits sur la glace, à insuffler une fierté à ses compatriotes. Le documentaire propose un portrait intimiste de l'homme, s'appuyant sur des films d'archives inédits. À sa façon, le film constitue un complément de choix au biopic Maurice Richard (Charles Binamé, 2005) où Roy Dupuis revêtait, avec le même feu dans les yeux, le chandail du personnage.
Maurice n'aurait jamais vu le jour sans la persévérance du réalisateur Serge Giguère à mener à terme le rêve de son ami et collaborateur, Robert Tremblay, décédé en 2018. Sur un 35 ans, le preneur de son avait accumulé une quantité impressionnante de bobines de pellicule 16mm sur Maurice Richard, annotées dans un joyeux fouillis. Patiemment, Giguère a fait le tri dans cette tonne de documents pour conserver des moments uniques, jamais dévoilés.
Au-delà des événements amplement documentés qui ont contribué à forger la légende et sur lesquels le film revient - l'émeute du Forum en 1955 après la suspension de Richard par le commissaire Clarence Campbell et son match de cinq buts et trois passes obtenus après une journée à déménager - Maurice montre le Rocket participant à un entraînement à l'auditorium de Verdun avec des adolescents du quartier Saint-Henri, ou à une partie de pêche à la truite avec ces mêmes jeunes. Les questions fusent, souvent du champ gauche. C'est-tu vrai que t'allais à l'école en patins? Y paraît que tu as déjà compté un but quand t'étais dans le coma? T'as montré à Guy Lafleur à patiner, c'est vrai?
Homme réservé et de peu de mots, un «taiseux» comme on disait à l'époque, Richard est montré sans fioritures, cigare au bec, dans une approche qui tranche avec le marketing formaté qui entoure aujourd'hui les joueurs de la Sainte-Flanelle. Le film démontre que l'athlète, malgré sa renommée qui débordait des frontières, restait humble et qu'il aimait les gens.
Le documentaire regorge de pépites. À commencer par la rencontre sur la glace du Forum entre Richard et Aurèle Joliat, meilleur buteur de l'histoire du Canadien jusqu'à ce que le premier le surpasse. La réunion de cuisine entre le Rocket et le folkloriste Oscar Thiffault, auteur d'une chanson sur le hockeyeur, en est aussi une d'anthologie. «Je m'demande si les enfants ont encore le pick-up pour faire jouer ça…» lance Maurice, candidement, en recevant un disque de Thiffault.
De sa rencontre avec un autre monstre sacré, Félix Leclerc, à l'Île d'Orléans, aucun morceau de pellicule, dommage, seulement des photos. La fidèle compagne du Rocket, Lucille, relate cette réunion d'exception, pendant laquelle Félix avait toutefois refusé de chanter ou de sortir sa guitare. «Maurice Richard, c'est tout le Québec debout qui fait peur et qui vit», dixit Leclerc.
Jamais ennuyant grâce à un montage rythmé, des séquences d'animation et des extraits de chanson célébrant le mythe, ce voyage dans le temps s'inscrit comme un document d'exception qui démontre l'impact profond et durable de Maurice Richard sur l'imaginaire collectif québécois. C'est pourquoi tout le monde l'appelait Maurice, tout simplement.