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Robert Lepage remonte sur les planches à Québec dans l'audacieuse pièce Quills

Quills

Robert Lepage revisite un sujet qu'il connaît bien, et dont il a subi les contrecoups dans sa propre carrière, dans la pièce de théâtre Quills, qu'offre depuis le 11 janvier le théâtre Le Diamant à Québec, et ce, jusqu'au 28 janvier. Dans cette pièce de l'auteur Doug Wright proposée par Ex Machina, le prolifique artiste de la Capitale-Nationale incarne le Marquis de Sade, sous le règne de Napoléon 1er, et nous parle de censure et de liberté d'expression. Un rôle grandiloquent et provocateur qui lui sied à merveille.

Plus précisément, la pièce (qui n'en est pas à ses premières représentations), fruit de la collaboration de Jean-Pierre Cloutier et Robert Lepage, prend naissance en France, dans l'asile de Charenton, dont le plus célèbre pensionnaire est l’irrépressible Marquis de Sade interprété par Robert Lepage. Alors que le directeur de l’établissement croit pouvoir réhabiliter cet homme qui toute sa vie durant a exploré, par sa plume, les interdits de l’être humain, ses pulsions sexuelles et ses désirs immoraux, Sade parvient par d’astucieux stratagèmes à faire publier ses récits sulfureux. Jusqu’où iront l'un et l'autre pour arriver à leurs fins?

Dans cette proposition, Pierre-Yves Cardinal se dresse sur scène, incarné, dans la soutane de l'abbé de Coulmier, un homme charitable et bon, auquel on a confié les patients de l'asile de Charenton. Contrairement à ses prédécesseurs, ses techniques sont moins drastiques et violentes, celui-ci souhaitant guérir le mal en faisant le bien. Il trouvera en Sade son plus grand adversaire, un homme qu'on dépouillera de tous ses artifices, mais qui ne perdra jamais l'impétuosité, l'immoralité et le désir viscéral de s'exprimer qui l'animent.

Le combat qu'on nous propose entre ces deux hommes soulève des questions qui sont encore d'actualité aujourd'hui : jusqu'où doit aller la censure et qui en bénéficie réellement? Si l'intrigue nous ramène dans le passé, le débat, lui, est toujours vivant. La démonstration témoigne des limites vacillantes de l'un et de l'autre, et de la part d'ombre que recèle chaque être.

Dans ce contexte, on se plait aussi à découvrir le jeu de Jean-Sébastien Ouellette dans la peau du Docteur Royer-Collard, un homme à la poigne de fer, envoyé pour redresser la gestion de l'établissement de Charenton, mais lui-même habité par une noirceur. Dans les atours de la femme honnie de Sade, Sophie Faucher s'avère comme toujours pétillante, en plus d'avoir quelques lignes qui détendent l'ambiance chargée. Mary-Lee Picknell et Pierre-Olivier Grondin complètent la distribution de belle manière.

Fidèles à leurs habitudes, Ex Machina et Robert Lepage (ici avec son complice Jean-Pierre Cloutier), livrent une mise en scène imaginative, s'appuyant sur une plateforme centrale tournante et des jeux de réflexions dans les miroirs qui cernent la scène. À cela s'ajoutent des effets de lumière saisissants. Ainsi, on est capable de recréer les nombreux couloirs de l'asile, multiplier les patients qui y résident et alterner aisément d'une scène à l'autre. Le dernier segment en est un des plus surprenants, qui pourrait d'ailleurs en déranger certains, dans lequel les réfractions et les réflexions surprennent autant qu'elles peuvent choquer.

Certes, Quills n'est pas pour tous. Un public avisé saura toutefois apprécier cette oeuvre chargée, audacieuse et subversive, qui regorge de moments marquants et d'inventivité. Évidemment, voir Robert Lepage sur scène, que ce soit dans l'une de ses créations ou dans un personnage comme celui du Marquis de Sade, demeure un plaisir incommensurable.

Quills est présenté au Théâtre Le Diamant de Québec du 11 au 28 janvier 2023.

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