Le Québec vient de perdre l’un des monuments de son show-business : le comédien, chanteur, amuseur et ex-sénateur Jean Lapointe est décédé ce vendredi, 18 novembre, a rapporté Radio-Canada. Son départ serait dû à des « complications de santé ». Il avait 86 ans.
En juin, Jean-Marie Lapointe donnait des nouvelles de son père sur le plateau de Sucré Salé, alors que celui-ci venait de passer plus d’un an en CHSLD pour recevoir des soins.
« Il retombe toujours sur ses pattes, il nous surprend (…) Il est vraiment fait beaucoup plus fort qu'on peut l'imaginer, surtout avec la vie qu'il a eue, mais papa va quand même bien », disait alors l’animateur et comédien au sujet de son papa adoré. Lisez-en plus sur ses propos ici.
Homme au grand coeur
L’une des dernières apparitions publiques de Monsieur Lapointe, l'un de nos plus grands artistes de variétés, remonte au Gala les Olivier 2019, où il avait reçu le trophée-hommage « Merci pour tout ». Un coup de chapeau qui l’avait énormément ému.
Sur les réseaux sociaux, la Maison Jean Lapointe a salué le départ de son fondateur en parlant de Jean Lapointe comme d’un « homme au grand coeur [qui] aura marqué plusieurs générations ». « Son souvenir restera gravé en nos murs et nous insufflera l'espoir pour le futur », a souligné l’organisme.
Monsieur Lapointe laisse dans le deuil sa conjointe des 20 dernières années, Mercedes Vincent-Lapointe, ses sept enfants, dont Jean-Marie et Anne-Elizabeth, qui a pris le relais de l’héritage social de son papa en devenant directrice générale de la Maison Jean Lapointe, qui vient en aide aux gens aux prises avec des dépendances, ainsi que ses petits-enfants et le reste de sa famille.
Voici quelques faits importants sur la vie et la carrière de Jean Lapointe :
- Il est né le 6 décembre 1935, à Price, dans le Bas-Saint-Laurent;
- Il a débuté sa carrière au tournant des années 1950, à l’âge de 14 ans, dans un concours amateur à CHRC, une radio de Québec. Il se démarque alors avec ses chansons et ses imitations, puis entame le circuit des cabarets de la province, dont il deviendra un important ambassadeur;
- En 1955, avec son complice Jérôme Lemay, il fonde le duo Les Jérolas, qui fait fureur dans les petites salles de la métropole. Entre sketchs et chansons, Les Jérolas apparaissent à la télévision pour la première fois en janvier 1956, à l’émission Music Hall, animée par Michelle Tisseyre, à Radio-Canada. Les Jérolas ont ensuite connu un parcours prestigieux jalonné d’une vingtaine d’albums, passant même au Ed Sullivan Show, aux États-Unis, en 1963, et à l’Olympia de Paris en 1965. (Jean Lapointe a d’ailleurs eu une porte ouverte sur la France à un certain moment de sa carrière, au milieu des années 1980, où il allait souvent offrir des spectacles). En 1968, le tandem assure la première partie d’un concert de Charles Aznavour à la Place des Arts de Montréal. En 2011, Jean Lapointe et Jérôme Lemay avaient tenté un retour sur scène sous le titre Le grand retour des Jérolas. Or, la première, le 31 mars, au Théâtre Maisonneuve, avait été plombée par un grave incident : pris d’un malaise, Jérôme Lemay s’était écroulé sur scène à mi-chemin de la prestation. Il était ensuite décédé quelques jours plus tard, le 20 avril;
- Jean Lapointe a beaucoup joué au cinéma et à la télévision au fil des ans, qu’on pense à des œuvres comme La pomme, la queue et les pépins (1974), de Claude Fournier, Les Ordres (1974), de Michel Brault (certainement l’un des titres les plus marquants de sa filmographie), L’eau chaude, l’eau frette (1976), d’André Forcier, J.A Martin photographe (1977), de Jean Beaudin, À l’origine d’un cri (2010), de Robin Aubert, Pour toujours, les Canadiens (2009), de Sylvain Archambault, Le dernier tunnel (2004), d’Érik Canuel, Les immortels (2003), de Paul Thinel et La bouteille (2000), d’Alain Desrochers. ICI ARTV rediffusait, il n’y a pas si longtemps, la série Duplessis (1978), de Mark Blanford, scénarisée par Denys Arcand, où Monsieur Lapointe incarnait un Maurice Duplessis plus vrai que nature. Plus récemment, on a aussi aperçu l’homme dans la comédie télévisée Les beaux malaises.
- Jean Lapointe a lancé une panoplie de disques au fil des ans, une vingtaine en moyenne. Le premier, Démaquillé, est paru en 1976. Nommons quelques-unes de ses chansons marquantes : « Chante-la ta chanson», «C’est dans les chansons», «Si on chantait ensemble», «Tu jongles avec ma vie», «Mon oncle Edmond»… Jean Lapointe a pris part aux mythiques festivités de la Saint-Jean-Baptiste sur le Mont-Royal, en 1976.
- En plus d’avoir contribué à jeter les fondations de la culture populaire québécoise, Monsieur Lapointe s’est également impliqué socialement, en mettant sur pied la Maison Jean Lapointe, lui qui n’a jamais caché ses problèmes de consommation. Après avoir tenté une première expérience de philanthropie avec la Maison Querbes, il a déménagé celle-ci dans le Vieux-Montréal avec l’apport des Sœurs Grises et du gouvernement du Canada et l’a rebaptisée à son nom, affinant ainsi sa mission. Plus de 35 000 personnes ont bénéficié des soins de la Maison Jean Lapointe depuis sa fondation, en 1982, il y a tout juste 40 ans. Dans la foulée, a également vu le jour la Fondation Jean Lapointe et le Téléthon Jean Lapointe, présenté à la télévision pendant 10 ans.
- Jean Lapointe a été sénateur pendant neuf ans sous le gouvernement libéral de Jean Chrétien, puis de Paul Martin, de 2001 à 2010. Son propre père, Arthur-Joseph Lapointe, un ancien militaire, avait aussi fait de la politique avant lui, comme député du Parti libéral du Canada, dans la circonscription de Matapédia-Matane, de 1935 à 1945. Comme sénateur, il avait mené un combat ardent contre la multiplication des appareils de loteries-vidéos dans les bars.
- Le défunt artiste a reçu des distinctions comme le titre d’Officier de l’Ordre du Canada (1983), d’Officier de l’Ordre national du Québec (2006) et de Citoyen d’honneur de la Ville de Montréal (2017). Il a reçu des récompenses aux anciennes cérémonies des Genie et des Jutra, et a d’ailleurs été décoré du Jutra hommage en 2011, avant que l’événement ne devienne le Gala Québec Cinéma.
- En 2001, Jean Lapointe avait dû encaisser la douleur de la perte de son épouse, Cécile Morin Lapointe. Il avait formé un couple avec elle pendant une dizaine d’années. Auparavant, en juillet 1991, s’éteignait sa première femme, Marie, à l’âge de 49 ans.
