Révolutionner une franchise emblématique comme Predator n'était pas chose aisée. Les créateurs de l'épisode Prey y sont parvenus avec l'ambitieux Badlands, pour le meilleur comme pour le pire.
C'est incroyable comment Predator, une série B jouissive et sanglante signée par John McTiernan en 1987 et mettant en vedette Arnold Schwarzenegger, a engendré des suites aussi risibles, mauvaises et insignifiantes. Le vent a changé en 2022 avec la sortie de Prey. Se déroulant au début du 18e siècle et suivant une jeune Comanche, le récit séduisait par ses images puissantes et son histoire sensible. Après un détour vers l'animation (avec le barbare Killer of Killers qui a été présenté cet été sur Disney +), le cinéaste Dan Trachtenberg revient pour la troisième fois dans cet univers sauvage en offrant l'effort le plus singulier du lot.
La particularité du long métrage est de transformer l'antagoniste de la licence en personnage principal et de lui avoir inventé un système de langage. Rejeté de son père Prédateur qui ne le trouve pas assez menaçant, Dek (Dimitrius Schuster-Koloamatangi) doit aller faire ses preuves sur une planète perdue. Il y fait la rencontre de Thia (Elle Fanning), une androïde qui cherche sa soeur disparue.
En changeant de perspectives, la table est mise pour un bouleversement complet de la série, ouvrant la voie à une nouvelle mythologie. Comme chez ses cousins Alien, l'univers de Predator est plus vaste qu'on le soupçonnait. Il se déroule ici sur un terrain de jeu étonnant où les menaces sont nombreuses. Ce nouveau monde amène avec lui son lot de promesses et d'espoirs qui ne portent malheureusement pas toujours fruit.
L'innovation en place est trop factice pour convaincre réellement, empruntant notamment à Avatar, Terminator, Guardians of the Galaxy, The Planet of the Apes et, surtout, Star Wars. La violence a été nivelée par le bas, l'humour par le haut et il y a même un monstre mignon, production de Disney oblige. En voulant renouveler la franchise, on finit sérieusement par remplacer et museler son identité.
Le cycle de prédation dans la nature est toutefois préservé, étant cette fois renforcé par un aspect plus moralisateur. Le protagoniste devra apprendre à travailler en équipe, à former un clan et même une famille s'il veut survivre. Le ton appuyé est le même que dans n'importe quel film de superhéros contemporains et encore là, l'ADN originel en prend pour son rhume.
Il y a également un désir d'humaniser le méchant devenu gentil. C'est malheureusement peine perdue, car Dek possède la psychologie d'une roche. Cela va déjà mieux du côté de Thia et de sa soeur Tessa, toutes deux interprétées par la talentueuse Elle Fanning (la dualité est à la mode cette année après Mickey 17, Sinners et The Alto Knights), même si l'attachement est loin d'être immédiat envers cette version moderne de C-3PO.
Il faudra donc prendre ce long métrage pour ce qu'il est vraiment: une production vide, mais spectaculaire, aux affrontements tonitruants. L'absence d'horreur laisse toute la place à un surplus d'action. Le soin esthétique palpable, autant au niveau de la photographie, de la musique et des effets spéciaux, procure une plus-value à ce divertissement honorable qui ne possède toutefois pas le souffle épique de son prédécesseur Prey.
Badlands sera garant de l'avenir de Predator. En cas de succès, il y a aura une suite (la conclusion ne laisse aucune place à l'imagination) qui catapulta encore plus loin la franchise, peut-être même jusqu'à un point de non-retour. S'il faut évoluer pour survivre, comme en fait foi cette série qui commençait sérieusement à tourner en rond, mieux vaut ne pas abandonner son essence première au profit d'un résultat plus consensuel.
