La pièce de théâtre Verdict en est une unique, que les mordus de théâtre autant que les néophytes prendront plaisir à découvrir. Il ne faut pas chercher longtemps pour se rendre compte qu'il n'y a pas d'auteur associé à cette production. Plutôt que d'avoir confié l'écriture de la pièce à un ou une dramaturge, on a pigé dans la littérature judiciaire du Québec pour y dénicher des textes poignants de grands plaideurs, retraçant certains des grands procès québécois des dernières années. Ce faisant, la production parle rapidement au public, qui a déjà entendu parler de ces causes à maintes reprises dans le passé dans les médias, s'étant fait, par la force des choses, une opinion sur la question.
Sur scène, on retrouve deux comédiens qui n'ont plus à faire leurs preuves, tant leur talent irradie dans toutes les sphères de notre milieu culturel québécois. Marie-Thérèse Fortin et Paul Doucet s'accompagnent et s'affrontent sur scène, avec authenticité, talent, prestance et grandiloquence. Quelques minutes suffiront pour constater que les deux comédiens ont des textes assez costauds à réciter, récoltant au passage toute notre admiration pour leur mémoire et leur verve.
On replonge donc, avec fascination, dans les procès sur le droit à l'avortement (celui du docteur Henry Morgentaler), sur l'accès au mariage pour les personnes de même sexe et dans la triste histoire de Joyce Echaquan, femme autochtone qui a connu une fin cruelle dans un hôpital de Joliette où elle s'était réfugiée pour sauver sa vie en septembre 2020. Il n'en fut pas ainsi.
À tous les instants, les deux artistes sur scène éblouissent et captivent. Dans le segment sur le mariage, Marie-Thérèse Fortin endosse le rôle de Me Anne-France Goldwater, bien connue des Québécois pour sa personnalité panachée et ses apparitions télévisées. La comédienne se transforme complètement dans ce personnage haut en couleur et fait rire autant qu'elle étonne, alternant le français à certains courts segments en anglais. Du jeu de haut niveau! Même son de cloche pour Paul Doucet, qui s'avère particulièrement émouvant en nous parlant avec sensibilité du sort réservé à Joyce Echaquan, stigmatisée jusqu'à la mort.
Dans un quatrième et dernier segment, offert après l'entracte, les comédiens invitent le public à devenir le jury dans une cause qui leur sera exposée ensuite, une histoire de violation de domicile qui a mal tourné. Si nous taisons ici les tenants et aboutissants de ce procès, qui a bel et bien eu lieu, on peut affirmer que cette portion du spectacle, franchement bien cousue, est une habile manière de garder le spectateur captif et impliqué. Ce segment devient un véritable terrain de jeu pour deux comédiens au sommet de leur art qui s'opposent, l'un étant la défense, l'autre la couronne. À main levée, les spectateurs voteront pour donner la victoire à l'un deux. Ce faisant, cette histoire nous donne matière à réflexions et discussions, même bien après que le rideau soit tombé.
Il faut bien avouer que cette proposition théâtrale, qui souligne l'importance de l'accès à la justice, a tous les éléments d'un grand succès. Pas étonnant que la pièce, qui attire avec raison son lot de curieux, soit en tournée partout à travers le Québec. C'est à voir! Les détails sont ici.