Cela fait déjà trois ans que la comédie musicale inspirée de l'oeuvre des Cowboys fringants est en développement. Le chanteur Karl Tremblay avait refusé de voir la pièce avant le soir de la première. Le destin aura voulu qu'il décède avant cette date. Ses précieux amis et collaborateurs Jean-François Pauzé, Marie-Annick Lépine et Jérôme Dupras étaient toutefois rassemblés, ce mercredi, dans une loge du Grand Théâtre de Québec afin d'honorer sa promesse dans le cadre de la première médiatique du spectacle.
Avant le début de la présentation, le metteur en scène et cofondateur de La Tribu ont tenu à dédier cette soirée à Karl, sous de chauds applaudissements d'une foule empathique. Sébastien Soldevila a aussi rendu hommage à Jean-François Pauzé et sa plume admirable.
Pour moi, je pense au fond de mon coeur que Jean-François Pauzé, c'est le plus grand auteur-compositeur de la francophonie.
La comédie musicale Pub Royal suit l'histoire du courtier d'assurances Jonathan Doyer qui fait un accident avec sa voiture au milieu de nulle part et se retrouve dans un bar étrange où il fait la rencontre de personnages marginaux et colorés. Si l'histoire prend une tournure inattendue en milieu de parcours et s'enfonce dans une idéologie singulière, particulièrement déroutante, la fin réconciliera ceux qui trouvaient par moments le contexte tiré par les cheveux.
Outre le récit, assez captivant, souvent surprenant, l'ambiance insolite y est pour beaucoup dans la réussite de l'oeuvre, qui s'approche du cabaret burlesque. Kevin Houle tient d'ailleurs cette atmosphère à bout de bras dans le rôle d'un maître de cérémonie (Siriso) aussi excentrique que mystérieux. D'ailleurs, le comédien se révèle, en plus d'un interprète convaincant, un chanteur impressionnant, un danseur agile et même un acrobate surprenant. Accompagné par les artistes des 7 Doigts de la main, il effectue quelques cascades époustouflantes.
D'ailleurs, les différentes voltiges et contorsions des artistes de cirque se fondent parfaitement bien à l'univers déjanté du Pub Royal. Les sbires de Siriso occupent la scène avec aisance et souplesse. Quelques danseurs d'expérience se mêlent aussi au groupe, dont Sunny Boisvert, que le public a découvert à Révolution. Celui-ci offre d'ailleurs un moment d'une grande intensité qui a été acclamé par le public lors de la première à Québec.
La qualité des décors est également digne de mention. Le bar du Pub Royal se divise en trois parties qui permettent d'amener le spectateur dans différents espaces, tout en restant dans le même endroit. Ce huis clos, tout comme les chansons narrativement riches des Cowboys fringants, offre d'innombrables possibilités qui ont toutes été efficacement exploitées par la production de ce spectacle à grand déploiement.
Les personnages proviennent directement des textes de Jean-François Pauzé : de La Catherine à Loulou Lapierre en passant par le camionneur de « L'Amérique pleure » et du chômeur de « Shooter ». Pour les fans, c'est un bonheur innommable de mettre des visages sur ces symboles, et pour les autres, ce sera certainement agréable de les découvrir dans toutes leurs imperfections et leur fragilité.
Amalgamées aux titres cultes des Cowboys, on retrouve certaines nouvelles chansons, dont « Bienvenue chez nous », jouée deux fois plutôt qu'une. Chacune d'entre elles respecte le style et l'âme de la discographie engagée du groupe. Les paroles de quelques pièces ont aussi été modifiées afin de mieux s'intégrer à la mythologie, alors que d'autres ont été conservées telles quelles.
Cette comédie musicale possède un petit côté délinquant irrésistible qui permettra aux fans des Cowboys fringants moins amateurs de ce type de pièces chantées d'y trouver leur compte. À l'inverse, les passionnés de comédies musicales moins familiers avec l'oeuvre des Cowboys fringants pourront aussi s'y commettre sans malaise. Pub Royal, c'est certainement différent, mais c'est pour tout le monde, sans discrimination.
On vous invite à découvrir en entête un extrait de la première du spectacle à Québec.