Les scientifiques n'ont peut-être pas encore inventé la téléportation, mais l'équipe du Cirque du Soleil sait certainement catapulter ses spectateurs dans un autre espace-temps en un claquement de doigts (ou en envoyant un ou deux gymnastes en l'air). Le génie créatif de Kurios, cabinet des curiosités, a fait voyager toute une salle lors de sa première Montréalaise ce jeudi soir.
Dans Kurios, un chercheur découvre un monde inimaginable, où l'innovation, la fantaisie et l'émerveillement se côtoient. Quand une bande de personnages colorés débarquent de son armoire, la scène du chapiteau s'anime soudainement d'une énergie nouvelle. Celle de l'espoir, de la vision et de l'univers des possibles.
Bien que le cirque soit souvent abstrait, cette fois, l'histoire se suit de bout en bout, en faisant l'œuvre parfaite pour y initier toute la famille. Sans perdre la touche d'absurdités qui fait la signature du cirque, la thématique est si bien exploitée que petits et grands ne sauront détacher leur attention de la scène, du début à la fin. Et s'ils ont parfois le rôle de bouffons, nul ne pourra résister au charme des clowns de Kurios, drôlement attachants dans ce spectacle rocambolesque. Dans le décor et leurs costumes inspirés de la Renaissance, les saltimbanques reviennent entre les disciplines pour briser le 4e mur et permettre à la foule de lâcher son fou un peu, après avoir retenu son souffle tout au long des performances. Ça va sans contredit : le temps semble suspendu pour le public pendant que les athlètes du cirque s'exécutent dans leurs extravagances.
Trois numéros ont particulièrement marqué notre esprit :
- Dans une scénographie où rien n’est laissé au hasard, des chaises s'empilent et un équilibriste y grimpe. Impressionnant, certes, mais jusque là, plutôt prévisible. Mais, rapidement, le public comprend que le classique est revisité lorsque le tableau se voit reflété au plafond, formant un effet miroir. Une image saisissante!
- Des contorsionnistes, interprétant des créatures marines tout droit sorties de l'imaginaire, ont offert un numéro très élégant dans une épatante synchronicité. Il faut dire que leurs costumes et leurs maquillages étaient probablement des plus complexes de tous et que cela contribuait aussi à la magie. Les musiciens, qui jouent en direct tout au long de la soirée, commencent à prendre un peu plus de place pendant ce numéro, montant l'intensité d'un cran et créant une intimité envoûtante.
- Une des dernières chorégraphies présentées était assez loufoque, voire comique, mais s’est avérée comme l’un de nos plus beaux moments parce qu’il témoigne bien de toute la richesse qu'apporte le progrès technologique avec une nouvelle dimension numérique s’ajoutant au savoir du cirque. Il s’agissait d’une discipline de personnification de mains... Oui oui, des doigts d’artistes, habillés en noir à la façon de marionnettistes, bougent sur une saynète, où se trouve une caméra et dont les images sont diffusées sur une montgolfière. C'est si simple et pourtant si grandiose. Il faut le voir pour le croire.
Rien ne donne froid aux yeux à ces circassiens sortis d'un autre monde (qui débarquent en train, en avion ou à vélo (mais pas en monocycle, cette fois! On se concentre sur les inventions, il faut suivre!). Une acrobate fait de la bicyclette volante, la tête à l'envers, des trapézistes s'envoient en l'air à bout de cordes, d'autres voltigent d'un trampoline géant. Un équilibriste, se tenant sur une planche posée sur une pile d'objets instables, a donné toute une frousse aux spectateurs, qui n'ont vu que du feu dans une presque perte de pieds qui était probablement fausse. Ou du moins, c'est ce que nous avons compris lorsque la plateforme sur laquelle sa structure fragile était installée s'est mise à se soulever de terre et que l'artiste était en pleine possession de ses mouvements. On peut dire que la tension a monté d'un cran. Des jongleurs sont, bien entendu, eux aussi de la partie et des pantomimes font des prouesses tout sauf ennuyeuses pour divertir l’auditoire pendant ces 125 minutes de pur plaisir.
« Je n’en croyais pas mes yeux », répétait l'un des personnages, pendant l’épopée. Croyez-nous, le public se disait la même chose!
Si ce récit vous semble familier, c'est que cette 35e production du Cirque du Soleil a été présentée il y a 10 ans. Mais ce retour s'inscrit bien dans l'ère du temps comme son sujet entourant histoire, modernité et soif d’apprentissage est d'autant plus pertinent à la lumière de l'actualité. C'est un concert plus près de l'ordre du divertissement, que des grandes émotions, mais une certaine poésie berce incontestablement ses chapitres et l'ensemble de l'œuvre touchera certes quelques âmes sensibles.
La leçon que nous en retenons? Beaucoup de rêves peuvent devenir réalité en alliant curiosité et imagination. À nous, le merveilleux!
Le chapiteau du Cirque du Soleil est installé dans le Vieux-Port de Montréal jusqu'au 25 août prochain. Les billets sont en vente, ici.