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Critique

Francofolies 2015 - Émile Proulx-Cloutier : Constellation urbaine

Francofolies 2015 - Émile Proulx-Cloutier : Constellation urbaine

Il y a d'abord l'homme qui roule sa vie, la corde au cou, puis Auguste, dont les mains parlent plus que les mots, et puis le petit garçon de douze ans et demi qui à la fois tue et aime les monstres, il y a aussi Madame Alice, une femme de plusieurs hommes, et celle qui habite chez son chien et qui, lorsque l'amour vient cogner à sa porte, n'a plus la force ni la confiance de l'accueillir. Tous ces personnages hétéroclites entrent momentanément dans nos vies et marquent, chacun à leur manière.

Émile Proulx-Cloutier parvient à créer une bulle lyrique dans laquelle il fait bon de flotter au gré de sa poésie et de sa musique. Bien qu'il s'est donné en spectacle plus de 120 fois à travers le Québec devant des centaines et des centaines de curieux, le jeune comédien-réalisateur-auteur-musicien-chanteur (et probablement bien plus encore) arrive à convaincre son nouveau public qu'il s'adresse à lui pour la première fois, dans un simple et sincère élan du coeur.

Il existe trop peu de ce genre de spectacles qui allient théâtre, poésie, musique et une forme étrange de philosophie contemplative. Ce dernier cadrait parfaitement dans un évènement comme les Francofolies de Montréal, consacré à la musique francophone, à la beauté de cette langue romantique que certains croient en extinction. Au Gesù, « sous une tonne de spiritualité », comme le disait si bien l'artiste multidisciplinaire, le message passait d'autant mieux que dans une salle sans âme. Étrangement et magiquement, j'avais l'impression de ressentir la lourdeur de cette dévotion au-dessus de ma tête malgré le fait que je flottais, allègre, dans la bulle d'Émile.

À la fin de son spectacle, l'auteur-compositeur interprète déclame qu'il aime toutes les races de monde, sauf une : les éteigneurs. Ceux qui croient que les protestations sont inutiles, ceux qui se plaignent, mais n'agissent pas, ceux qui étouffent la lumière des penseurs et des rêveurs. Ces éteigneurs crèvent la bulle dans laquelle on planait depuis près de deux heures et nous laissent sans défense pour écouter - et ultimement poursuivre notre vie au sein de - « Les cités grises ».

« La main des vainqueurs a écrit l'histoire

Ma mémoire de blanc; mes blancs de mémoire. »