Paul Thomas Anderson, PTA pour les intimes, revient en force avec One Battle After Another (« Une bataille après l'autre » en version en français), adaptation libre du roman Vineland de Thomas Pynchon. Décrit par Leonardo DiCaprio comme « une fable politique sous stéroïdes » (tellement!) le film a bénéficié d’un budget record pour le cinéaste (entre 110 et 140 M$) et promettait un spectacle d’ampleur… Promesse tenue.
Dès les premières minutes, on est happé par l’action : bombes, poursuites effrénées, explosions et embuscades s’enchaînent sans temps mort pendant près de trois heures. Mais ce n’est pas qu’un film d’action – c’est aussi un pur plaisir comique. Anderson parsème son récit de trouvailles hilarantes : des nonnes cultivant du cannabis, des dialogues surréalistes, des personnages plus grands que nature. L’humour devient un outil de satire féroce, ciblant les obsessions américaines : suprémacisme blanc, peur des immigrants, milices privées. On rit beaucoup, mais le rire reste lucide, grinçant, politique.
La distribution est on ne peut plus parfaite : Leonardo DiCaprio, dans son rôle d’ancien révolutionnaire désabusé, cabotine juste ce qu’il faut pour incarner un personnage maladroit, mais attachant. Sean Penn est tout simplement hallucinant en colonel hystérique et paranoïaque, un cliché ambulant qu’il transcende – alerte à la nomination aux Oscars. Benicio Del Toro, quant à lui, vole plusieurs scènes avec un flegme irrésistible dans le rôle de sensei du karaté et leader de la communauté immigrée d’une ville sanctuaire. Quant à la jeune Chase Infiniti, qui interprète Willa, l’adolescente indépendante et pleine de ressources, on y croit. Et on lui donne des petits airs de Vernita Green dans Kill Bill Vol. 1 (2003). Les fans de PTA reconnaîtront aussi quelques visages appréciés par le réalisateur, dont Alana Haim, qu’on a pu voir dans Licorice Pizza (2021).
La trame sonore éclectique renforce chacune des scènes à sa façon, de Steely Dan à Travis Scott en passant par Walk The Moon et The Shirelles. La musique de Jonny Greenwood – guitariste principal et claviériste du groupe de rock Radiohead, qui en est à sa sixième collaboration avec Paul Thomas Anderson – tend le récit vers un suspense constant. Mention spéciale à la poursuite dans le désert, déjà culte par son intensité visuelle et sonore. J’étais sur le bout de mon siège…
Au-delà du récit, l’expérience visuelle est un pur festin, comme la plupart des films de PTA – pensons entre autres au formidable Phantom Thread (2017). En choisissant de tourner en VistaVision 35 mm – comme Vertigo d’Hitchcock – Anderson donne au film une aura intemporelle, tout en rehaussant l’énergie brute des séquences d’action. Oui, je repense encore à la scène de poursuite à grande vitesse, la caméra qui plonge et remonte en montagnes russes sur une route désertique...
Avec son budget colossal – le plus élevé de sa carrière –, Paul Thomas Anderson faisait un pari osé : livrer une superproduction d’auteur, à la croisée de la satire politique et du pur spectacle. Comme le Dr. Strangelove de Stanley Kubrick (1964) ou Quentin Tarantino et son Inglourious Basterds (2009), Paul Thomas Anderson réussit à prouver que le rire reste une arme redoutable contre la peur.
Vraiment, Une bataille après l’autre est à la fois un film d’action épique, une comédie satirique et un portrait cinglant des États-Unis d’aujourd’hui. PTA nous divertit avec éclat tout en faisant réfléchir. Même dans sa démesure volontaire, le film garde une justesse rare. Viva la revolución!
