La fatigue envers les films de superhéros est de plus en plus palpable. Les Madame Web, Venom: The Last Dance et Kraven the Hunter qui ont tous pris l'affiche l'année dernière s'avéraient d'ailleurs parmi les pires oeuvres du genre. Marvel a toutefois été relativement épargné avec son rigolo et bourrin Deadpool & Wolverine. Moins outrancier et beaucoup plus ambitieux, Captain America: Brave New World tente d'apporter un peu d'air frais à cet univers de plus en plus moribond.
Le long métrage s'inscrit dans la continuité de la série télé The Falcon and the Winter Soldier. Sam Wilson (Anthony Mackie) porte désormais le bouclier de Captain America et il est secondé par Joaquin Torres (Danny Ramirez) - le nouveau Faucon - afin de faire la lumière sur un attentat commis contre le président des États-Unis.
Le récit s'abreuve à la source des thrillers paranoïaques des années 1960 et 1970, faisant notamment référence à l'illustre The Manchurian Candidate de John Frankenheimer dans sa façon de représenter l'ennemi. Efficace à ses heures, Brave New World n'en demeure pas moins une pâle copie de The Winter Soldier qui jouait dans les mêmes plates-bandes. Le film de 2014, l'un des meilleurs titres de Marvel, mettait déjà en vedette Robert Redord, l'inoubliable protagoniste de All the President's Men, Three Days of the Condor et The Candidate.
Le fond politique de ce quatrième épisode de Captain America étant si important, il est dommage que le scénario n'utilise pas mieux son imposante matière première afin de parler de l'Amérique d'aujourd'hui. S'il est question de théories conspirationnistes, de la montée du nationalisme et de pouvoirs dictatoriaux, avec un héros noir qui enquête avec son acolyte mexicain, le script demeure en surface. On sent d'ailleurs les différentes étapes de réécriture (cinq personnes sont créditées au scénario!) et de retournage tant la cohésion fait parfois défaut.
Remplaçant le regretté William Hurt dans le rôle de Thaddeus Ross, Harrison Ford est le plus bel atout du film. Il campe un homme bourru devenu président qui, malgré un passé trouble, cherche à faire bonne conduite. L'acteur possède la tête de l'emploi, ayant déjà campé l'homme le plus puissant de la planète dans Air Force One. Son charisme légendaire cache des fêlures - et des colères rouges - qui deviennent la parfaite métaphore des États-Unis, capable du meilleur comme du pire.
En plus de payer des clins d'oeil à Eternals, le long métrage s'applique surtout à revisiter The Incredible Hulk, approfondissant quelques pistes, renouant avec certains de ses personnages (et non, on ne revoit pas Edward Norton, l'atout principal de cette création qui ne faisait pas le poids à côté du plus poétique Hulk d'Ang Lee). Encore là, l'histoire est tellement surchargée en allant dans toutes les directions qu'elle perd en limpidité, car l'important est évidemment de paver la voie aux suites.
L'abondance de scènes d'action plus ou moins nécessaires qui apparaissent sans raison apparente finit par limiter la portée de l'essai. Les séquences trépidantes sont de qualité inégale, s'avérant par moments spectaculaires (l'affrontement final) ou ennuyantes (celle qui suit l'intrigante introduction). Bien que les effets spéciaux demeurent soignés, l'ensemble générique finit par faire sourciller.
Qu'ils vivent ou qu'ils meurent, les personnages s'avèrent, à quelques rares exceptions, interchangeables. La plupart sont unidimensionnels, à l'image du nouveau faucon qui se vautre dans l'humour enfantin. Les comédiens de renom comme Giancarlo Esposito et Tim Blake Nelson arrivent malgré tout à briller. Ce n'est pas le cas d'Anthony Mackie, coincé en héros trop parfait et sans saveur, dont l'attachement est défaillant. « Tu n'es pas Steve Rogers», lui lance un de ses alliers. En effet.
Et à quoi bon aller chercher un cinéaste talentueux comme Julius Onah (on lui doit le quelconque The Cloverfield Paradox mais également le fascinant Luce qui est encore plus fort et fascinant aujourd'hui qu'à sa sortie) si c'est pour le museler? On ne sent nullement son style tant cette plus récente production est formatée au possible, ressemblant à toutes celles qui l'ont précédées, avec ses qualités et ses faiblesses, mais surtout avec un désir de divertir sans prendre le moindre de risque.
En empruntant son titre au chef-d'oeuvre littéraire d'Aldous Huxley, Brave New World annonçait une mini révolution chez Marvel. Il n'en est rien. Les éléments politiques sont plaqués sur une intrigue anonyme que l'on a déjà vue de nombreuses fois. C'est sans doute normal lorsqu'on est rendu au 35e épisode d'une série. Mais pourquoi en faire autant si c'est pour noyer le poisson? Ah oui, c'est qu'il rapporte toujours beaucoup d'argent. Ce nouveau Captain America risque d'ailleurs d'être oublié lors de la sortie de Thunderbolts en mai et The Fantastic Four: First Steps en juillet. Trois films de superhéros en cinq mois, cela commence à être beaucoup. En espérant que les petits nouveaux arriveront à se démarquer quelque peu du lot.