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Michael Fassbender et Cate Blanchett brillent dans un duel captivant

3.5
Notre critique

Il est pourtant difficile de ne pas s'y amuser tant les dialogues fondent dans la bouche et que le jeu des interprètes séduit aisément.

Steven Soderbergh tourne plus vite que son ombre. Quelques semaines seulement après la sortie de son film conceptuel Presence que prend déjà l'affiche Black Bag, une oeuvre beaucoup plus ludique.

La nouvelle mission de l'agent secret George Woodhouse (Michael Fassbender) ne sera pas de tout repos: débusquer une taupe qui s'est infiltrée dans son agence. Cinq collègues et amis sont suspectés, dont son épouse Kathryn (Cate Blanchett)...

Steven Soderbergh n'a jamais flirté avec le drame d'espionnage, si ce n'est indirectement via son trépidant Haywire et son hilarant The Informant!. Bien que le scénario de son fidèle collaborateur David Koepp (Presence, Kimi) n'est pas sans rappeler Mr. and Mrs. Smith qui mettait en vedette Brad Pitt et Angelina Jolie, le résultat s'avère très différent. Il n'y a d'ailleurs aucune scène d'action au menu, au grand dam des admirateurs de James Bond et de Jason Bourne.

Après une introduction mouvementée en plan séquence, c'est le dialogue qui mène le bal, comme dans les romans de John le Carré (on est toutefois plus proche de Tinker Tailor Solider Spy que The Spy Who Came In from the Cold). Le cinéaste américain n'aura rien offert de plus verbeux depuis son premier long métrage Sex, Lies and Videotape. Les mots sont les armes que possèdent les personnages pour se défendre et les confrontations se font généralement en duo, à l'aide de superbes champs-contrechamps.

Le procédé pourrait paraître aride et rébarbatif si la mise en scène n'était pas aussi décontractée. Le réalisateur arrive à reproduire la fraîcheur de son jouissif Out of Sight en mélangeant humour et suspense. Le script ne manque peut-être pas d'invraisemblances et quelques moments flottants s'installent dans l'intrigue, mais l'essai divertit et n'ennuie presque jamais.

Le thème de l'espionnage est surtout un prétexte à analyser les rouages du couple. Que reste-t-il de l'amour avec le travail accaparant et le passage du temps? Et en quoi ces mensonges, trahisons et infidélités usent-ils les sentiments et les relations interpersonnelles? La scène la plus révélatrice est celle où George détourne les règles afin d'espionner Kathryn qui se trouve dans un autre pays.

Cette mission qui bouleverse la sphère domestique donne deux séquences de repas absolument savoureuses. La première au tout début du film présente l'intimité des protagonistes et finit par tourner au vinaigre, rappelant le classique Who's Afraid of Virginia Woolf?. La seconde, à la toute fin, scellera les enjeux dans la tradition des bouquins explicatifs d'Agatha Christie.

Les comédiens brillent dans cet exercice de haute voltige. Après s'être éloigné du cinéma pendant quelques années (et un retour peu concluant dans The Killer de David Fincher), Michael Fassbender trouve enfin un rôle à la hauteur de son talent. Il est parfait dans la peau de cet agent méthodique et hyper contrôlant. La chimie fonctionne allègrement avec Cate Blanchett, élégante à souhait, qui est sur une belle lancée dernièrement avec Tar et Rumours (on exclut volontairement l'insipide Bordelands).

La distribution secondaire n'est pas en reste et chaque acteur tire son épingle du jeu, que ce soit Naomie Harris (Moonlight), Marisa Abela (Back to Black), Tom Burke (Furiosa), et Regé-Jean Page (Dungeons & Dragons: Honor Among Thieves). Même Pierce Brosnan, que l'on ne voit pratiquement jamais à l'écran, est étonnant en supérieur tranchant.

À l'image des meilleurs films d'espionnage, Black Bag est inutilement compliqué et tiré par les cheveux. Il est pourtant difficile de ne pas s'y amuser tant les dialogues fondent dans la bouche et que le jeu des interprètes séduit aisément. Il ne faut seulement pas s'attendre à un rythme enlevant comme dans Ocean's Eleven du même réalisateur, bien que les deux créations partagent plusieurs choses en commun.