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L'intelligence artificielle, mais sans l'intelligence

1.5
Notre critique

C'est tout de même dommage qu'avec un budget aussi éléphantesque qu'on accouche d'une souris aussi éculée.

Doté d'un budget de 320 millions de dollars américains, The Electric State est l'un des films les plus coûteux de l'histoire du cinéma. Il s'agit également de l'un des plus génériques et anonymes. Mais comment est-ce possible?

Les longs métrages produits par Netflix n'ont jamais eu la réputation d'être les plus originaux. Ils se suivent et se ressemblent tous, appliquant une recette éprouvée. Peu importe les cinéastes ou acteurs qui sont attachés au projet, le produit s'avère généralement interchangeable.

C'est encore pire que jamais dans The Electric State, qui ressasse le sujet de l'heure: les relations parfois houleuses entre les humains et les robots. On dirait d'ailleurs que le tout a été conçu par l'intelligence artificielle. Un programme qui ne fait que copier et reproduire des oeuvres supérieures, mais en laissant l'âme, le charme et la personnalité au vestiaire. Le résultat ressemble à un film, mais cela n'en est pas un.

On se retrouve devant un ersatz de Star Wars, Avatar et, surtout, du cinéma de Steven Spielberg. Son art est partout à l'écran, de E.T. à Ready Player One, en passant par Hook et A.I. Il est évidemment question du monde de l'enfance - une adolescente rebelle (Millie Bobby Brown) qui décide de faire équipe avec un robot - qui est confronté à la société adulte façonnée par un scientifique (Stanley Tucci) aux inventions révolutionnaires.

La traditionnelle relation père/fils a été remplacée par une relation entre une soeur et un frère. La plus kitch et dégoulinante de bons sentiments, cherchant ardemment à soutirer des larmes. Quant aux nombreux thèmes en place sur la technologie, ils ne sont qu'accessoires à l'histoire, limités à un discours final ridicule et moralisateur rappelant que le vrai monde est là, à côté de nous, et qu'il faut en profiter.

Aucun personnage n'existe réellement dans cette aventure. Il y a l'héroïne sans peur, son acolyte cabotin, le méchant de service, etc. Les acteurs généralement talentueux et charismatiques sont réduits à des pantins unidimensionnels. C'est le cas notamment de Millie Bobby Brown, égérie de Netflix (avec Stranger Things, les Enola Holmes et Damsel), et de Chris Pratt, qui joue exactement de la même façon que dans les Guardians of the Galaxy. Sauf que cette fois, son humour tombe à plat. De quoi leur préférer les androïdes qui sont dotés de voix attachantes.

Le récit inspiré très, très librement du roman graphique de Simon Stalenhag en reprend les grandes lignes, gracieuseté du scénario de Christopher Markus et de Stephen McFeely qui ont oeuvré sur plusieurs Marvel et la franchise The Chronicles of Narnia. Les événements se déroulant dans les années 1990, un parfum de nostalgie rétrofuturiste se hume pratiquement dans chaque plan.

Le rendu visuel demeure potable à défaut d'être transcendant. La recréation d'un monde ravagé par une guerre avec les robots offre quelques séquences intéressantes. Elle ne reflète toutefois pas le budget en place. Quant à la mise en scène, elle s'avère au mieux fonctionnelle, au pire embarrassante. Ce sont pourtant les frères Russo qui sont aux commandes, ceux à qui l'on doit les plus grands succès - et parfois les meilleurs films - de Marvel, que ce soit Captain America: Civil War ou Avengers: Infinity War. Mais depuis Avengers: Endgame, ils ont délaissé le cinéma pour les plateformes et cela paraît dans leur style, autant sur l'affecté Cherry que le boursouflé The Gray Man.

Et les scènes d'action dans tout ça, la véritable raison de l'existence du long métrage? Bien que prévisibles et parfois incohérentes, elles s'avèrent par moments spectaculaires, surtout lors du combat final qui en met plein la vue et les oreilles. Sauf que notre projection de The Electric State s'est déroulée au cinéma, bénéficiant de la meilleure technologie possible et de l'atmosphère de la salle. Seul, chez soi, devant notre téléviseur ou téléphone intelligent, l'expérience ne sera sans doute pas la même.

Surtout que tout risque de s'oublier dès le générique final. On ne retient rien de ce qu'on a vu, si ce n'est la magnifique mélodie des Flaming Lips qui se fait entendre. C'est tout de même dommage qu'avec un budget aussi éléphantesque qu'on accouche d'une souris aussi éculée. On ne peut qu'imaginer tous les bons films qui auraient pu être faits avec cet argent-là.