Fabien Cloutier n'a pas l'habitude de faire dans la dentelle, et bien que son nouveau spectacle s'intitule Délicat, il est grinçant et ironique à souhait.
Le personnage de scène de l'humoriste est un homme aux principes et aux valeurs douteuses qui trouve du bon dans le réchauffement climatique (« la ménopause de la Terre »), qui n'aime pas les transports en commun, qui préfère regarder le monde à travers son téléviseur 55 pouces 4K qu'en voyageant et qui se comparent à des gens qui ont davantage de problèmes que lui. Ses propos obtus et son ton cru dérangent invariablement, même si on sent que, parfois, il aurait pu pousser la note encore plus loin. On comprend, par contre, qu'il courrait le risque de se rendre ainsi antipathique aux yeux de son public était peut-être trop grand. La ligne est mince entre audacieux et scandaleux.
L'interprète de Léo choque aussi au niveau de ses images, souvent rebutantes. Qu'il parle d'éjaculation d'éléphants en Inde, de punaises de lit dans une auberge de jeunesse, des hémorroïdes de son ami, des vaginites attrapées dans les spas ou de la visite impromptue d'un gars de la construction chez le gastro-entérologues, on fait la même face de dégoût. Évidemment, il y a des rires associés à cette révulsion, mais impossible de ne pas retrousser le nez.
Si certains de thèmes exploités sont assez anodins, comme la « vanlife », il s'attaque à des sujets tabous comme la grossophobie, toujours avec la même insolence, prétextant notamment qu'avec la hausse des prix de l'épicerie, l'anorexie peut avoir ses avantages. Il n'y a pas d'interdits pour (l'alter-ego scénique de) Fabien Cloutier et c'est ce qu'on apprécie lui. Par contre, ses gags n'ont pas tous la même force de frappe et sa vision à contre-courant empêche le public de s'identifier. Mais, le sarcasme et l'impudeur de sa plume en font un artiste incomparable qui mérite sa place de choix sur le circuit des humoristes québécois.