Première comédie sportive québécoise au féminin, Les Furies s’inscrit dans cette nouvelle vague de projets qui revisite les genres longtemps associés aux gars (on pense évidemment à l’héritage de Les Boys) pour en proposer une version 100 % « women power » et c’est honnêtement très rafraîchissant!
À Waterloo, ville d’aréna, de hockey et de fierté locale, les joueuses amateurs se font évincer de la glace au profit d’une équipe semi-pro masculine. Exit les ligues de hockey féminin, le curling et les pratiques de patinage artistique, pour laisser toute la place aux "Napoléons" (les Napoléons de Waterloo, la pognez-vous?). Mélissa (Gabrielle Côté), gardienne de but impulsive, refuse d’avaler l’affront. Avec l’aide d’Yvette (France Castel), octogénaire « badass » et ancienne vedette de roller derby, elle rassemble une équipe improbable dans le sous-sol d’une église pour monter une ligue clandestine qui saura soulever les foules.
C’est joyeux, c’est assumé, c’est flamboyant : Les Furies coche absolument toutes les cases de la comédie sportive parfaite : entraînements, rivalités, amitiés, blagues efficaces, match final… tout y est. Avec une touche de sincérité et une énergie assez furieuse, merci.
Oui, le scénario est convenu. Oui, chaque étape de la « recette » s’enchaîne sans surprise. Mais… quand c’est aussi bien fait, on s’en fiche complètement. Le film carbure à une forme de classicisme réjouissant, celui des feel good movies qui savent exactement comment embarquer le public dans une « vibe » de gang.
Et quelle gang! On voudrait tous faire partie des Furies. Moi, la première, j’aurais enfilé mes patins dès la fin du générique pour me joindre à cette irrésistible distribution. Gabrielle Côté, Juliette Gosselin, Debbie Lynch-White, Anne-Élisabeth Bossé, Sandrine Bisson et plusieurs autres incarnent une joyeuse sororité intergénérationnelle, imparfaite et attachante. France Castel, souveraine dans son rôle de mentor à la fois tendre et rugueux, est particulièrement touchante.
La scénariste et comédienne Gabrielle Côté (chroniqueuse à La journée est encore jeune et la fameuse Laurence dans Stat), impressionne : elle a écrit un film à son image, drôle, vif, profondément inclusif. Son jeu repose sur une vulnérabilité brute et un humour de timing impeccable.
La réalisation de Mélanie Charbonneau (Seule au front, Fabuleuses) est énergique et inventive, notamment dans la façon d’expliquer les règles du roller derby dans une séquence amusante et brillante, créative sans jamais être didactique. Ce n’est pas si simple finalement, mais, comme le personnage d’Élisabeth Bossé, on finit par « comprendre comment ça marche ».
Et que dire de la trame sonore qui rythme parfaitement les moments forts dans une mise en scène façon bonbon, mais complètement assumée. On sent l’amour du sport, la camaraderie… et des listes de lecture qui donnent envie de patiner plus vite.
Ce que j’ai particulièrement aimé, c’est que, derrière le plaisir, le film porte aussi un message politique clair: les femmes méritent la glace, les moyens et la place. Le refus des concessions est filmé comme un acte de résistance douce… mais tenace. L’inclusion du Cercle des fermières ajoute d’ailleurs une couche lumineuse d’humour communautaire : les « mémés » (dont la sympathique Carmen Sylvestre qu’on voudrait toutes comme grand-mère) deviennent les meilleures complices du chaos.
En prime : un clin d’œil littéraire réjouissant au recueil MILF de Marjolaine Beauchamp, symbole parfait du film entre poésie brute et féminité rebelle.
Les Furies n’est pas un film qui cherche à réinventer la roue (ou les quatre!). Mais c’est un film qui roule à toute allure, avec le cœur grand ouvert. Une proposition joyeusement féministe, inclusive et rassembleuse qui donne envie d’acheter des patins, un casque… et de se lancer sur la piste en écoutant Whip It.



