Le milieu du cinéma au Québec est en pleine ébullition en ce moment afin de trouver des solutions pour que les activités reprennent dans les respects des règles gouvernementales.
Nous nous sommes récemment entretenus avec Patrick Roy, Président - Les Films Séville & Président, Distribution Cinéma - Entertainment One, afin qu'il nous explique où en est l'évolution des plans d'action dans les différentes sphères.
D'abord, nous étions impatients de savoir quand les propriétaires de salles visaient une réouverture des cinémas. « Au Québec, les gens essaient de viser la mi-juin », précise Patrick Roy. Évidemment, peu importe la date, il y aura des règles strictes à respecter. Les salles ne seront pas pleines et des bancs seront fermés afin de respecter une distance adéquate entre chaque individu. On peut s'attendre également à ce qu'il y ait des flèches sur le sol, comme dans les épiceries, afin de guider les clients vers leurs salles et limiter les interactions. Les employés devront probablement porter des masques et désinfecteront régulièrement les salles pour la sécurité de tous. Puis, évidemment, les personnes âgées de 70 ans et plus risquent de ne pas être admises dans les cinémas au début du processus.
« C'est un plan possible et viable parce que le modèle économique des salles de cinéma, ce n'est pas qu'elles soient pleines », indique M. Roy. « En moyenne, les salles sont pleines entre 20 et 30 % du temps. » Le plan est encore en plein développement en ce moment, mais, dès qu'il sera complété, les propriétaires de salles présenteront celui-ci à la Santé publique, qui prononcera son verdict.
Patrick Roy se dit conscient qu'il y aura une période d'adaptation. « Les gens vont être hésitants à aller dans les salles au départ. Le plus tôt on peut les rouvrir, le mieux ce sera pour que les gens s'habituent, pour qu'on les rassure. [...] Les premières semaines risquent d'être difficiles, mais c'est un passage obligé vers une normalité « modifiée ». » Il faut savoir que les salles de cinéma sont présentement fermées dans tous les pays du monde. Celui qui prévoit rouvrir ses salles en premier est la République tchèque, le 25 mai prochain.
Selon toutes vraisemblances, les États-Unis viseraient, eux, une réouverture à la mi-juillet. Le fait que Warner Bros. maintienne la sortie du film Tenet au 17 juillet prochain n'est pas étranger à cette hypothèse. « Ironiquement, je partage les théories, un peu audacieuses, de certaines personnes qui commencent à se confirmer », nous dit Patrick Roy. « Warner a déplacé beaucoup de films, mais celui-là reste à sa place. Je me disais dans le fond, une des choses qui pourrait être explorée, c'est que, à la réouverture, il n'y aura pas beaucoup de nouveaux films disponibles. Tenet pourrait donc avoir pratiquement tous les écrans de tous les cinémas en Amérique du Nord. Et là, ça serait un stunt publicitaire énorme, parce que, évidemment, ça n'a jamais été fait dans toute l'ère du cinéma. »
Il poursuit : « Il faut attendre un peu, je pense qu'il y a encore plusieurs facteurs qui pourraient faire que Warner décide de ne pas opter pour cette stratégie-là. Mais, ça fait plusieurs semaines que je vois ça venir et je me dis que ce pourrait être très audacieux comme démarche. À ce moment-là, on pourrait présumer que l'ouverture serait moins pénible que ce qu'on anticipe parce que ça prend un gros gros film qui attire beaucoup de gens pour être capable de repartir la machine comme il faut. »
On peut aussi s'imaginer que, si la distanciation est maintenue jusqu'à Noël par exemple, la bataille sera féroce entre les distributeurs pour l'obtention d'une certaine visibilité dans les salles. Chacun fera son calcul à savoir sur combien d'écrans il sera nécessaire de présenter un film pour l'obtention d'un box-office similaire à celui qu'il aurait généré dans un contexte moins restrictif.
En ce qui concerne les tournages, Patrick Roy nous indique comment il s'imagine la viabilité d'une possible reprise. « Je pense qu'il va y avoir beaucoup moins de gens sur les plateaux dorénavant. Les séquences à grand déploiement seront plus difficiles », souligne-t-il. Les scènes d'amour et de rapprochements entre les comédiens restent un aspect délicat. M. Roy avance l'une des hypothèses étudiées, soit une quarantaine avant le tournage pour les acteurs concernés. Cette idée d'isolement volontaire pourrait être adoptée aussi dans le cas d'une équipe complète, comme, par exemple, celle du film Maria Chapdelaine, qui doit tourner un dernier bloc cet été en région éloignée.
La semaine dernière, le maire Labeaume et le Festival de Cinéma de la Ville de Québec ont annoncé un projet de ciné-parcs dans la Capitale (les détails ici) qui a fait grincer des dents plusieurs propriétaires de salles qui y ont vu une concurrence déloyale. « Toute démarche qui nourrit le désir des gens de voir des films en groupe mérite d'être appuyée. Si j'ai un bémol par rapport à l'initiative, c'est la gratuité. Trop souvent, on veut donner notre culture, des fois, ne serait-ce que de charger un frais symbolique, ça change la perception des gens. »
Patrick Roy indique avoir récemment eu des discussions avec des collègues en Allemagne qui ont ouvert plusieurs ciné-parcs. « C'est un immense succès. Il y a plein d'entrepreneurs qui s'improvisent exploitants de ciné-parcs. Il y a des dizaines de milliers de gens qui vont assister à ces projections-là. Il s'en ajoute chaque semaine. Les gens ont le goût de sortir, de se retrouver, même à travers les vitres des voitures. Je pense que c'est une bonne formule à explorer. »
Cinémas ou ciné-parcs, nous avons très hâte de retrouver nos films sur grands écrans et les propos de Patrick Roy, même si tout reste hypothétique pour le moment, nous encouragent. À suivre...