Présenté en hors-compétition au Festival de Cannes 2025, La venue de l’avenir marque le retour de Cédric Klapisch à un cinéma choral où l’art, la transmission et le vivre-ensemble s’entrelacent. Fasciné depuis toujours par le Paris de la fin du 19e siècle, le réalisateur de L'auberge espagnole (2002), Les poupées russes (2005) ou encore Casse-tête chinois (2013) a enfin donné vie à son projet longtemps rêvé : un film en costumes où les fantômes des impressionnistes dialoguent avec nos contemporains hyperconnectés.
Dès les premières minutes de La venue de l’avenir, je savais que je serais conquise. Le film commence dans la salle des Nymphéas de Claude Monet au musée de l’Orangerie, où les regards émerveillés des visiteurs plus âgés contrastent avec les selfies distraits de la génération Z. S’en suit une très bonne blague que je vous laisse le plaisir de découvrir… D’emblée, Klapisch installe son propos : confronter notre époque pressée à celle, idéalisée, de la Belle Époque.
L'histoire de La Venue de l'avenir se passe dans deux époques, 2025 et 1895. Aujourd’hui, en 2025, une trentaine de personnes issues d’une même famille apprennent qu’ils vont recevoir en héritage une maison abandonnée depuis des années. Quatre d'entre eux, Seb, Abdel, Céline et Guy (quatre personnages absolument attachants) sont chargés d’en faire l'état des lieux. Ces lointains cousins vont alors découvrir des trésors cachés dans cette vieille maison et se retrouver sur les traces d'une mystérieuse Adèle qui a quitté sa Normandie natale, à 20 ans…
Cette Adèle (Suzanne Lindon, tout en nuances) se retrouve à Paris en 1895, au moment où cette ville est en pleine révolution industrielle et culturelle. Pour les quatre cousins, ce voyage introspectif dans leur généalogie va leur faire découvrir ce moment si particulier de la fin du 19e siècle où la photographie s'inventait et l’impressionnisme naissait. Grâce à un scénario original et fluide, le passage du présent au passé se fait sans accroc, parfois même sur un éclat comique irrésistible (la scène d’ayahuasca propulsant les cousins au Salon des impressionnistes de 1894 au son d’Aphex Twin est sa-vou-reuse!).
La réalisation est magnifique et facilite le dialogue entre les deux époques. Klapisch distingue les temps par la texture de l’image : les séquences de 1895 imitent les autochromes et les cadrages impressionnistes, tandis que celles de 2025 adoptent une netteté plus clinique. Entre les deux, Paris est toujours aussi belle et on sent bien l’amour du cinéaste pour cette ville intemporelle.
La distribution réunit des visages connus, dont Cécile de France et Vincent Macaigne, qu’on a pu voir dans un autre film rendant hommage à l’art : Bonnard, Pierre et Marthe (2023). La nouvelle génération prend aussi une belle place, dont l’autrice-compositrice-interprète, Claire Pommet, dite Pomme et Vassili Schneider (le frère d’Aliocha). La musique, très présente, ajoute une dimension sensorielle précieuse au film : les morceaux de Pomme côtoient des réinterprétations de Debussy, créant une « nébuleuse impressionniste » sonore qui prolonge l’esthétique du film… et qui vous fera assurément verser une petite larme à la fin.
La beauté de La venue de l’avenir, c’est que c’est un film qui interroge autant la mémoire familiale que l’héritage artistique. Qu’est-ce qui nous est transmis des générations précédentes, au-delà des maisons et des objets? Quelle part d’intemporalité nous offrent Monet, Degas ou Nadar dans un monde saturé d’images? Un des personnages dans le film affirme : « Aujourd’hui en deux minutes, on prend plus de photos que pendant tout le 19e siècle ». C’est dire. Sans jamais sombrer dans le « syndrome de l’âge d’or » – ainsi nommé dans le splendide Midnight in Paris de Woody Allen (2011) – Klapisch offre une méditation tendre et accessible sur notre rapport au temps et au progrès : ce que nous avons gagné (eau chaude, électricité, internet) et ce que nous avons peut-être perdu (poésie, lenteur, authenticité).
La venue de l’avenir plaira assurément aux amoureux des impressionnistes (qui n’aime pas les impressionnistes?), aux nostalgiques et à celles et ceux qui croient que l’art peut réconcilier les époques. Un film généreux, doux et un brin mélancolique. Une belle invitation à regarder le passé autrement… pour mieux habiter l’avenir.

