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Bong Joon-ho ressuscite l'audace (et plusieurs fois Robert Pattinson)

3.5
Notre critique

À une époque où les superproductions se suivent et se ressemblent, cela fait du bien de voir une création qui célèbre les vertus de l'originalité.

Six années après le triomphe de son magistral Parasite, Bong Joon-ho est de retour avec Mickey 17, une oeuvre démentielle qui ne ressemble à rien d'autre.

Bong Joon-ho est l'un des cinéastes les plus importants du 21e siècle. En l'espace de seulement huit longs métrages, il a révolutionné le polar (Memories of Murder) et le film de monstres (The Host), pondant son grand chef-d'oeuvre (Mother) tout en créant avec Parasite un opus éblouissant qui allait marquer le septième art, remportant notamment la Palme d'Or et l'Oscar du meilleur film.

Avec Mickey 17, le réalisateur sud-coréen adapte avec une verve peu commune le roman d'Edward Ashton. En fuite de la Terre, Mickey (Robert Pattinson) se retrouve sur une colonie humaine à jouer les cobayes. S'il vient à mourir, un clone parfait le remplacera dans ses fonctions. Mais quand des monstres lui sauvent la peau, l'homme finit par remettre son existence en question.

La vie que l'on mène n'est-elle pas banale et absurde? À force d'obéir aux ordres sans réfléchir, ne passe-t-on pas à côté de l'essentiel? Ces questions philosophiques se retrouvent au sein de ce récit éclaté, qui traite également des inégalités sociales, d'eugénisme et de colonisation. Les liens politiques sont nombreux à effectuer envers nos voisins du sud, que ce soit la présence d'un dictateur mégalomane et l'émergence d'une femme noire révolutionnaire.                                                                                                    

Fidèle à ses habitudes, l'homme derrière Barking Dog Never Bite s'amuse à agencer les genres les plus disparates. La comédie noire et les situations slapstick côtoient les scènes ultras violentes, tandis que la science-fiction intellectualisée fait bon ménage avec la romance extrêmement mignonne. Rien n'est à l'épreuve de Bong Joon-ho qui est capable de faire rire aux larmes tout en levant le coeur avec d'inquiétantes séquences sombres, presque horrifiques. Le dosage n'est peut-être pas toujours au point, mais le geste force l'admiration.

La longue introduction de Mickey 17 rappelle une bande dessinée complètement cinglée ou un jeu vidéo dans la lignée de Edge of Tomorrow. Notre héros raconte ses aventures incroyables et toutes les fois qu'il a perdu la vie. La narration met en évidence l'importance de la parole comme source de comédie et de dérision.

La suite s'avère encore plus loufoque et ambitieuse, allant dans toutes les directions, se perdant volontairement en chemin. L'important n'est pas tant d'arriver à destination que de suivre les détours les plus tortueux. Ainsi des séquences tournent en rond, des scènes cultes - comme celle du dîner - sont allongées inutilement et l'effort d'une durée de 137 minutes aurait certainement pu être raccourci.

Le ton est tellement absurde et ironique que cette énergie déferlante, d'abord salvatrice, finit quelque peu par épuiser. La satire grotesque verse allègrement dans l'outrance, rappelant que le cinéaste n'est pas le plus nuancé quand vient le temps de travailler en anglais. Ce fut déjà le cas sur son brutal Snowpiercer et sur son plus dispensable Okja.

Cette folie communicative qui rappelle des Looney Tunes branchés sur le 2000 volts offre le terrain de jeu idéal aux comédiens pour délirer. Dans un double rôle d'une drôlerie inouïe, Robert Pattinson montre un talent insoupçonné pour la comédie. Il multiplie les mimiques, change sa voix et module à la perfection son jeu, en offrant toujours plus que le client en demande. En voilà un qui ne cessera jamais de nous surprendre.

Le reste de la distribution s'amuse également beaucoup. C'est le cas de Naomi Ackie (Blink Twice) qui provoque des rires à foison, tout comme le toujours attachant Steven Yeun (Minari, Burning). La palme revient toutefois au couple formé de Mark Ruffalo et de Toni Collette. Le premier est irrésistible en tyran qui ne jure que par son image, tandis que la seconde étonne avec ses expérimentations culinaires.

L'immense soin technique que bénéficie le long métrage est une autre raison de vouloir le voir sur le plus grand écran disponible, si possible en IMAX. La photographie de Darius Kondji (le fidèle complice de James Gray) s'avère éblouissante, tandis que la trame sonore mélodique de Jung Jae-il (Parasite) ne manque pas d'élever les enjeux en faisant battre le coeur plus rapidement. C'est sans compter sur la mise en scène parfaitement maîtrisée de son auteur, dont l'utilisation du montage alterné laissé béat.

Mickey 17 pourrait paraître mineur dans la filmographie de Bong Joon-ho et il l'est. Cela ne l'empêche pas d'être une oeuvre débridée et follement inventive. À une époque où les superproductions se suivent et se ressemblent, cela fait du bien de voir une création qui célèbre les vertus de l'originalité. Tout peut arriver dans ce divertissement haut de gamme qui malgré ses excès, amuse du début jusqu'à la fin.