10. Black Dog de Guan Hu
Si Jia Zhangke avait réalisé Mad Max: Fury Road, cela ressemblerait sans doute à Black Dog, un western apocalypse où la population chinoise - autant humaine que canine - est expropriée au profit de la modernité. Une oeuvre sociale cruellement d'actualité dotée d'images grandioses, d'un mélange de genres qui laisse béat et de chiens trop attachants.
9. The Mastermind de Kelly Reichardt
Sans doute la plus importante cinéaste américaine en activité, Kelly Reichardt (First Cow) est de retour avec ce film de casse faussement ludique où le rêve américain du protagoniste (génial Josh O'Connor) est parasité par son égoïsme. Pourquoi aider l'autre si l'on peut s'en mettre plein les poches? Voilà le constat cruel de cette création minimaliste et jazzée, dont la figure du voleur n'est pas sans rappeler celle du Pickpocket de Bresson.
8. Un simple accident de Jafar Panahi
Jafar Panahi n'a pas volé sa Palme d'Or avec sa plus récente réalisation tournée clandestinement. Abonnant sa subtilité légendaire, le réalisateur iranien offre un pamphlet politique explosif sur la violence et la vengeance. Non sans humour, le récit va droit au coeur lors de longs échanges entre les personnages et sa finale à glacer de sang ne s'oubliera pas de sitôt.
7. Resurrection de Bi Gan
Rêves et cinéma ne forment qu'un dans ce songe labyrinthique de Bi Gan (Un grand voyage vers la nuit) qui traverse le 20e siècle en superposant l'histoire du septième art à celle de son pays. Du muet à la Méliès, l'opus chinois remonte le fil d'Ariane vers le film noir avec un hommage à Orson Welles, se terminant par un plan séquence d'une virtuosité sans nom. Il n'y a rien eu de plus splendide cette année que cette fresque visionnaire.
6. Miséricorde de Alain Guiraudie
Le désir mène le bal dans ce joyeux festin d'Alain Guiraudie (L'inconnu du lac), un drame hors de l'ordinaire qui est à la fois un suspense chabrolien et une comédie très noire et décalée. Le scénario ne va jamais là où l'on s'attend, la photographie automnale semble plonger les fascinants personnages dans des états seconds et on y retrouve l'une des plus belles figures religieuses vues au cinéma.
5. Nickel Boys de RaMell Ross
Impossible de ne pas être renversé par ce premier long métrage de fiction qui aurait dû rencontrer le même destin que Moonlight. À travers une succession de plans subjectifs, le cinéphile épouse le regard de deux jeunes noirs dans les États-Unis des années 1960. Une révolution à la fois cinématographique et humaine, tant l'émotion coule à flots.
4. The Brutalist de Brady Corbet
Le rêve américain se transforme en cauchemar dans ce puissant troisième long métrage de Brady Corbet. Si le film rappelle Citizen Kane, The Godfather, le cinéma de James Gray et celui de Paul Thomas Anderson, il demeure tout de même unique. Ses images grandioses et sa trame sonore anxiogène rivalisent avec les prestations impeccables de ses acteurs (Adrien Brody a remporté un Oscar et Guy Pearce en méritait un) et on ne peut que louanger une oeuvre ambitieuse qui prend son temps pour marquer au fer-blanc.
3. One Battle After Another de Paul Thomas Anderson
Il n'y a aucune autre fresque qui résume mieux l'année chaotique que le nouveau chef-d'oeuvre de Paul Thomas Anderson. Face aux instabilités en place, le récit ose la rébellion, mélangeant drame et comédie, social et politique, au sein d'un divertissement réglé au quart de tour où chaque interprète s'amuse royalement (mention spéciale au truculent Sean Penn). Ça sent les Oscars.
2. L'agent secret de Kleber Mendonça Filho
À la fois lettre d'amour au cinéma et brillante chronique brésilienne, L'agent secret utilise le septième art afin de lutter contre l'amnésie et le fascisme. Avec sa mise en scène éblouissante, judicieusement récompensée au dernier festival de Cannes, et l'interprétation délectable de Wagner Moura (également primée à Cannes), il s'agit d'un plaisir de chaque instant.
1. April de Dea Kulumbegashvili
Imaginez si Andreï Tarkovski et Jonathan Glazer refaisaient conjointement Quatre mois, trois semaines, deux jours. C'est un peu le sentiment qui ressort de cet implacable drame féministe sur l'avortement qui ausculte au scalpel la société géorgienne. Les scènes inoubliables se succèdent au tournant et le rythme lent permet de ne faire qu'un avec la courageuse héroïne et la nature environnante.

