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Critique

Le roi du mensonge : Marc Labrèche sur la trace d’un redoutable imposteur

Le roi du mensonge

En attendant de prendre ses aises avec son talk-show Je viens vers toi, à Noovo, Marc Labrèche s’est offert une expérience très particulière, documentée en trois épisodes accessibles ce samedi 1er avril, sur Crave. Le jour du poisson d’avril… Tiens, tiens!

La date choisie n’est pas un hasard. Dans Le roi du mensonge, l’animateur s’intéresse à Roger Tétreault, véritable homme-phénomène qui, en inventant mille et une histoires et en se faisant passer pour divers personnages dans les années 1970, 1980 et 1990, est parvenu à berner les médias, non sans fierté. Tous les journaux, radios et télévisions du pays, y compris les rigoureuses salles de nouvelles de Radio-Canada et autres institutions reconnues, ont mordu à ses sornettes et à ses changements d’allures.

On vous prévient tout de suite : la finale du Roi du mensonge est stupéfiante. Il faut se rendre au bout de ces trois heures ahurissantes et désespérantes pour, d’abord, recevoir un punch inattendu en plein visage, puis pour obtenir une réponse-clé de l’énigme Tétreault. On vous jure – et c’est vrai de vrai! – que ça vaut le coup.

Tétreault s’inventait une identité et un bagage (expert du nucléaire, militant écolo, témoin d’un camp terroriste du FLQ…) et, paf, on lui donnait la parole et buvait ses réflexions et analyses qui n’étaient, en fin de compte, que du « gros n’importe quoi », comme on dit communément. L’homme a tellement confondu les journalistes de toutes compétences qu’il a été forcé d’avouer lui-même ses mensonges dans les années 1990… au moyen d’un communiqué de presse qu’à peu près personne n’a pris au sérieux! Il aura fallu la vigilance du communicateur Stephen Langford, de la CBC, pour faire éclater au grand jour « l’affaire » Tétreault.

Crave nous demande de demeurer discret sur « l’opération » menée par Labrèche dans cette courte série produite par Zone 3 en collaboration avec Bell Média. On ne dévoilera donc pas en quoi consiste exactement Le roi du mensonge, mais sachez que Marc Labrèche, divers journalistes ayant eu affaire à Roger Tétreault, un membre important de l’entourage de ce dernier, l’historien Laurent Turcot, l’auteur Guy Fournier, des humoristes passés maîtres dans l’art de piéger autrui (Pierre Brassard, Réal Béland, Marc-Antoine Audette des Justiciers Masqués) ainsi que Marc-André Sabourin, journaliste au magazine L’Actualité et auteur du livre Le maître de l’intox portant justement sur Roger Tétreault, en ont long à relater sur cette figure plus grande que nature. Et encore; « on ne connaîtra jamais, jamais la vérité absolue » au sujet de ce mystérieux individu, estime Marc-André Sabourin. Même sa possible mort, vraie ou fausse, a semé le doute.

Le projet expose comment, grosso modo, ce gaillard au nom évoquant n’importe lequel de vos voisins de banlieue, voulait prouver que sensiblement n’importe qui peut faire croire n’importe quoi… à n’importe qui. L’un des faux noms utilisés par Tétreault était d’ailleurs Yvon Rocher (« Ils vont "rusher..." », pour sortir la nouvelle, comprenez l’allusion?) pour illustrer sa démarche. Et ce, à une époque – il y a 30, 40, 50 ans – où l’information était beaucoup moins instantanée qu’aujourd’hui, et donc, on aurait tendance à le présumer, fouillée davantage en profondeur.

Et pourtant…! Rien n’était à l’épreuve de notre notoire blagueur. La catastrophe de Tchernobyl racontée au Téléjournal de Bernard Derome, la sorcellerie vaudou expliquée dans un reportage dans les pages de La Presse, en une du Montreal Daily News ou sur les ondes de CJAD : aucun cadre n’était trop sérieux, trop grave, trop important pour empêcher Roger Tétreault de commettre ses canulars. D’apporter sa fausse expertise, de se rebaptiser Tubaal Caïn pour personnifier un sorcier ou d’infiltrer le Front de libération du Québec (FLQ) à titre de faux journaliste et militant (une initiative qui aura pris une ampleur démesurée). Personne ne le reconnaissait, personne ne le soupçonnait. Le malin changeait de « spécialité » aux deux ans pendant 20 ans sans qu’on ne le démasque, et a même publié des livres le présentant comme un auteur crédible.

Or, sa « fin de carrière » n’a pas été nécessairement glorieuse…

On peut visionner Le roi du mensonge dès aujourd’hui, samedi 1er avril, sur la plateforme Crave.

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