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Critique

Haute démolition : L’humour, ce sport dangereux

Haute démolition

Le roman Haute démolition fait déjà son chemin jusqu’au petit écran, moins de deux ans après sa sortie sur les tablettes des libraires, en mai 2021. Le bouquin avait généré ventes à la tonne, commentaires et fascination.

Est-ce que cette histoire d’un humoriste en pleine ascension qui sombre dans les paradis artificiels à la suite d’une peine d’amour, où le thème des inconduites sexuelles est abordé de front, était inspirée de l’affaire Julien Lacroix, qui explosait dans les médias l’été d’avant? Ou d’un autre récit réel qui serait passé sous le radar de la machine à rumeurs? Est-ce que ce regard cru et caustique sur la lucrative industrie de la blague, que les connaisseurs estimaient plutôt fidèle, l’était réellement? S’envoie-t-on vraiment de la drogue comme des bonbons derrière le rideau des spectacles d’humour qui remplissent les salles? Nous vous expliquons ici si Haute démolition s’inspire réellement d’une personnalité en particulier.

L’équipe de Haute démolition est également celle de Manuel de la vie sauvage (l’auteur Jean-Philippe Baril Guérard a encore une fois adapté ses propres écrits en scénario, Christian Laurence réalise, KOTV produit) que Séries Plus, à nouveau diffuseur concerné, relayait l’an dernier à peu près à pareille date. Encore une fois, le produit, comme le roman sans doute, résonnera fort à l’esprit des vingtenaires, avec son propos campé dans sa tranche d’âge, dans un milieu adulé des jeunes, ses références à TikTok, son langage saupoudré de franglais, très actuel, et ses têtes d’affiche en vogue, Étienne Galloy et Léane Labrèche-Dor en tête.

Les lecteurs de Haute démolition reconnaîtront dans l’opus de Christian Laurence l’essentiel de l’ouvrage qu’ils ont dévoré, incluant quelques ajouts. Notamment des extraits d’intimidation adolescente qui expliquent à elles seules le caractère insécure du protagoniste principal, Raphaël Massicotte, alias Raph Massi (Étienne Galloy, des Bracelets rouges et Plan B 4, qui rend à la perfection la bonhommie et la naïveté de son personnage, et doté en plus du charisme comique nécessaire). La première image de Haute démolition est d’ailleurs terrible de cruauté.

Sinon, la trame demeure la même : notre Roger-Bontemps de Raph, qui se satisfait d’un matelas et d’un peu de « beurre de pin », voudrait bien voir sa carrière d’humoriste décoller et admirer sa tronche en gros sur les affiches autres que celles des soirées de stand up fréquentées par les initiés, mais manque de volonté pour s’atteler sérieusement au travail. L’inspiration fait défaut, le tonus aussi.

Il ravale avec peine sa frustration devant le succès de son collègue Sam (Guillaume Gauthier), dont la carrière monte en flèche sur la seule base de ses gags d’école secondaire. Sam bénéficie du coup de pouce de la notoriété de son père acteur, lui. Sam a « été signé » par le narcissique producteur Forand (Éric Bernier), lui. Sam réussit même s’il n’a pas beaucoup de talent, lui. Et notre Sam à la tête qui dépasse largement les cadres de portes profite beaucoup, beaucoup, beaucoup des avantages de son nouveau statut de célébrité. Il en jouira peut-être un peu trop…

Raph fera la rencontre de Laurie (Léane Labrèche-Dor), l’adjointe de Forand. En tombera amoureux. Une complicité professionnelle, en plus de celle sur l’oreiller, s’établira entre eux. Talentueuse, mais trop craintive pour se lancer elle-même sur les planches, Laurie filera ses bonnes idées à Raph. Gentille, avenante, dévouée, Laurie est-elle une fieffée manipulatrice ou ses sentiments sont-ils sincères? Ce n’est pas clair.

Qu’importe : la jeune dame poussera suffisamment son compagnon pour le motiver. À créer des personnages dans des vidéos web, entre autres. Et, enfin, les lumières commenceront à s’allumer tranquillement autour de Raph. À la fin du deuxième épisode, le producteur Daniel (Bruno Marcil) se montrera intéressé à propulser son premier one man show, que Raph suppliera Laurie d’écrire avec lui.

Notre Raph à la confiance fragile se fera toutefois larguer par Laurie au moment où poindra la gloire, et jurera vengeance à l’univers, s’embourbant dans les classiques « sexe, drogue et rock and roll ». Jusqu’à compromettre, peut-être, son triomphe si chèrement gagné.

La narration à la deuxième personne (au « tu », alors que Laurie prédit leur avenir commun à Raph) qui guide tout le roman n’existe pas dans la version télévisée de Haute démolition; on y adresse seulement un petit clin d’oeil dans la première heure, mais la production ne voulait pas s’embarrasser d’une description en voix hors-champ qui n’aurait rien apporté de plus au récit. En revanche, le personnage de Laurie gagne ici en substance; elle est bien davantage que l’inaccessible « belle fille » un peu prétentieuse que Raph nous dépeint sur papier. Léane Labrèche-Dor lui insuffle une candeur rafraîchissante, qui la rend encore plus mystérieuse. Aussi, le voyage à Berlin, point tournant de la relation entre les deux jeunes adultes - Laurie est de 10 ans l'aînée de Raph, et donc plus mature... - a été remplacé par une autre twist à l'écran.

On prend par ailleurs plus de temps pour installer l’intrigue de la montée de Raph, dont l’environnement fourmille de toutes sortes de visages : le YouTubeur Max Lap (Erich Preach, seul véritable humoriste de la série), qui génère des clics en ne faisant que bouffer du poulet frit, un humoriste raté qui se recyclera jeune gérant, Thomas (Irdens Exantus), des vieux routiers établis qui remettent leur parcours en question, comme Sylvain Delorme (Michel Charette), des animatrices de talk-shows matinaux trop enthousiastes, comme Marie-Josée (Hélène Bourgeois-Leclerc), des producteurs gourmands au rire gras… comme dans les vraies coulisses du vrai show business.

La série Haute démolition, qui compte six épisodes, sera diffusée le jeudi, à 21 h, à Séries Plus, à compter du 16 mars.

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