La reconstitution historique que propose Sylvain Archambault avec sa série Les pays d'en haut est franchement grandiose. C'est le constat qui nous arrive d'emblée après le visionnement des deux premiers épisodes. Des décors réels, un réalisme surprenant et des personnages plus vrais que nature. Encore un peu et on croirait retrouver une fresque comme l'était Les filles de Caleb. Mais là s'arrêtent immédiatement les comparaisons.
Bien sûr, il y a cette histoire d'amour entre Donalda et Alexis, mais il y a aussi la misère, crasse, celle qui rend tout difficile et transforme le quotidien en une épreuve de tous les instants. Tout ici est glauque, sale, vrai. Le premier épisode offre d'ailleurs une scène très dure qui illustre parfaitement cette idée : un travailleur du bois qui a été victime d'un accident se fait amputer d'une main, avec les méthodes rudimentaires de l'époque, tout en hurlant que cette situation le conduira très certainement à la ruine. Le ton est donné. Dès lors, les adeptes de la série Les belles histoires des pays d'en haut, qui mettait en vedette Jean-Pierre Masson et son « viande à chien » (diffusée originalement de 1956 à 1970), ou du film de Charles Binamé seront franchement dépaysés.
Un second constat s'applique aussi à propos de Les pays d'en haut : on a habilement évité une vision manichéenne des personnages de l'oeuvre de Claude-Henri Grignon. Donalda, que personnifie avec toute sa lumière la jeune Sarah-Jeanne Labrosse, n'est pas la belle désemparée. Elle est une femme forte, qui assume ses prises de position et qui est déterminée à conserver la ferme de son père, malgré les difficultés. Alexis (Maxime Le Flaguais), ce frondeur qui fait battre le coeur de Donalda, n'est pas aussi vaillant qu'on le voudrait. Il préfère aller chasser dans le bois plutôt que de défricher sa terre. Pendant ce temps, ses dettes s'accumulent auprès du marchand du village alors qu'il vit définitivement au-dessus de ses moyens. Même la chimie entre lui et Donalda n'est pas si tangible. Était-ce voulu? On est en droit de se le demander...
Puis il y a Séraphin, personnifié par le magnifique Vincent Leclerc, qui nous donne franchement le goût de poursuivre notre visionnement. La performance de Leclerc heurte, chamboule, choque et ravit tout à la fois. Celui-ci évite les écueils en proposant un personnage blessé, amoureux, maladroit et détestable. Oui, on le hait, mais il réussit malgré tout à nous faire voir sa sensibilité. Une pléthore de personnages secondaires, tous aussi forts les uns que les autres, complète le sombre portrait. On pense notamment au curé Labelle d'Antoine Bertrand qui fait son chemin avec ses poings et ses coups de gueule et à Délima, la soeur de Séraphin dont la minauderie est jouée avec justesse par Julie Le Breton.