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Critique

Grease : Charmant

Grease : Charmant

La nouvelle mouture québécoise de Grease, qui a établi des records de vente de billets avant même la première représentation, en est une divertissante, admirablement mise en scène et magnifiquement interprétée par la plupart des artistes multidisciplinaires qui forment la distribution. Comme c'est généralement le cas, il y en a certains qui se démarquent plus que d'autres.

L'admirable Joëlle Lanctôt, qu'on a pu voir sur les planches entre autres dans l'adaptation d'Alice aux pays des merveilles en 2008, est particulièrement remarquable dans le rôle de Rizzo et Gardy Fury, qu'on pourra voir au cinéma cet été dans la comédie Ego Trip, vole complètement la vedette aux interprètes principaux avec sa personnification survoltée de l'ange gardien de Frenchy (une Gabrielle Fontaine en pleine possession de ses moyens d'ailleurs), et on ne le voit pourtant qu'une seule fois dans la pièce. Philippe Touzel et Éléonore Lagacé, deux anciens participants de La voix, méritent également des éloges, autant pour leur performance vocale que pour la qualité de leur jeu.

Jason Roy Léveillé impressionne sous les traits de Danny Zuko. Il faut savoir qu'on avait certains doutes sur les talents de chanteur et de danseur de l'interprète de Jean-Félix Beaupré dans Ramdam, mais il a su nous surprendre et nous charmer. Dès qu'il a poussé la première note, nous avons compris pourquoi il avait été choisi parmi un lot impressionnant d'artistes polyvalents.

Annie Villeneuve a une voix puissante et juste, mais son jeu est légèrement moins bien maîtrisé que celui de ses confrères. On comprend qu'elle interprète un personnage plus réservé que les autres, plus introverti, mais on ne peut s'empêcher de remarquer une rigidité contraignante dans son jeu, un détail qui pourrait, par contre, mentionnons-le, se corriger au fil des représentations. Notons que les voix des deux protagonistes sont admirablement bien assorties, et que lorsqu'ils chantent à l'unisson, le résultat est surprenant.

La production a choisi de traduire la plupart des chansons de la comédie musicale en français, mais d'en laisser certaines, très populaires dans leur langue originale, complètement en anglais, et certaines autres, bilingues. L'idée n'était pas mauvaise, considérant que le public aime retrouver les paroles des chansons qu'ils connaissent par coeur, mais le résultat s'avère, au final, assez ambigu. On ne peut s'empêcher de sourciller quand les interprètent alternent les langues dans la même pièce.

La mise en scène de Grease est l'un de ses points forts. Les cases d'école, les décors amovibles, les projections et les acrobates (on avait peur qu'ils s'intègrent mal à l'ensemble, mais l'amalgame est fort bien réussi). L'utilisation du nerd Eugène pour déplacer certains éléments de la scénographie était aussi une proposition intéressante. La comédie musicale laisse aussi place à quelques clins d'oeil humoristique qui font peut-être parfois figure d'anachronismes au sein de l'histoire, mais qui entraînent des rires francs et généralisés (dont la mention de personnages du paysage artistique québécois actuel).

Comme il semblait y avoir un problème avec les micros des artistes lundi soir au St-Denis, on peut difficilement définir s'il s'agit d'une mauvaise prononciation des paroles par les chanteurs, ou si la portée des microphones n'était pas suffisante, mais on avait certes du mal à entendre décemment les paroles des chansons, surtout au début du spectacle.

À noter également un moment déconcertant et embarrassant avec l'une des jeunes filles et l'animateur de radio, joué par Normand Brathwaite. Est-ce la différence d'âge entre les deux personnages qui rend inconfortable, ou le fait que l'homme semble avoir abusé d'une adolescente non-consentante? Quoi qu'il en soit, le passage jette un froid dans l'assistance et n'apporte absolument rien à l'histoire, et devrait donc être retiré.

La nouvelle comédie de Juste pour Rire est un divertissement compétent qui vous donnera certainement envie de danser et de chanter, et comme il s'agit du but premier de ce genre de production - de divertir - on peut parler d'une réussite pour le nouveau Grease, ses interprètes, son metteur en scène Andrew Shaver et sa conseillère artistique Denise Filiatrault.