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Cinéma

Mes 30 minutes avec Keanu

Mes 30 minutes avec Keanu

Je ne sais pas exactement combien de fois j'ai écouté The Matrix au cours de ma vie, mais prétendre l'avoir vu une centaine de fois ne serait pas exagéré. Keanu Reeves représente mon éveil au cinéma, à ce qui allait devenir mon travail et ma principale passion. Donc, avoir la chance de le côtoyer et m'entretenir avec lui était un privilège que je me devais d'honorer dignement. Rencontrer des vedettes internationales apporte son lot d'inquiétudes. Ces stars sont généralement blasées et harassées de devoir répondre aux mêmes questions jour après jour, semaine après semaine, jusqu'à la sortie du film qu'ils promeuvent où ils auront enfin répit de tous ces journalistes homologues. J'étais donc particulièrement inquiète à l'idée de me frotter à un acteur blasé et désabusé. On ne peut pas dire non plus , règle générale, que Keanu Reeves est le plus verbeux en entrevue. Il s'avère plutôt posé et calme, un comportement qu'il serait facile de confondre avec de l'arrogance. Mais, heureusement, ce n'est pas une star hollywoodienne hautaine que j'ai rencontrée aujourd'hui, mais un homme passionné, dévoué et dont l'intelligence est indubitable.

Je l'ai d'abord aperçu dans le stationnement de l'hôtel à mon arrivée; buvant son Coke Diet incognito.

Je l'ai d'abord aperçu dans le stationnement de l'hôtel à mon arrivée; buvant son Coke diète incognito. Je l'observais à travers la vitre du taxi et j'étais tétanisée (heureusement j'étais aussi incognito, protégée par l'habitable du véhicule conduit par un chauffeur d'origine indienne). Pendant le Festival du film de Toronto, une foule imposante attend généralement devant les hôtels prestigieux comme le Trump, dans l'espoir d'entrevoir une célébrité, mais en plein mois d'octobre, aucun paparazzi amateur ne fait le pied de grue à l'entrée des hôtels. Et comme personne ne s'attend à croiser Keanu Reeves dans les rues de Toronto, personne ne s'attarde au visage familier du bel homme en complet et à la barbe en broussaille. Sauf moi, bien entendu. Mon professionnalisme a eu raison de mon fanatisme, et je n'ai pas interrompu la dégustation de son breuvage pour prendre une photo avec lui ou lui serrer la main. Peut-être aussi n'avais-je pas les couilles de le faire...

Je me suis rendue par la suite dans la chambre 2210 du Trump pour attendre ma rencontre privilégiée avec la star. Quand il fut temps de changer de pièce pour aller interroger l'interprète de Néo, mes mains moites et l'érubescence de mon visage étaient difficile à cacher. Je partageais l'expérience avec quatre autres journalistes du monde du Web. Quelques secondes plus tard, Reeves est finalement entré dans la pièce et s'est assis sur le divan devant nous. Personne ne parlait jusqu'à ce qu'un des chroniqueurs lance à la dérobée : « Ladies first ». Comme j'étais la seule fille de l'assistance, j'ai eu la « chance » de poser la première question. J'ai lu la phrase inscrite sur ma feuille comme si je n'avais aucune idée de sa teneur, comme si je la lisais pour la première fois (précisons que je l'ai répétée 10 ou 20 fois auparavant pour ne pas avoir un accent de brousse; ce qui a été un échec lamentable). Il a répondu à ma question avec beaucoup d'éloquence et de délicatesse, me regardant toujours dans les yeux.

Plus le temps s'écoulait (nous avons eu la chance de nous entretenir avec lui pendant 30 minutes), plus l'acteur devenait à l'aise et plus sa passion pour son métier, pour les arts martiaux et son admiration pour ses collègues transcendaient.

À un moment, il en était même à faire des bruits de fusil et à décrire des scènes en les mimant, se tortillant sur ce petit divan d'hôtel.

À un moment, il en était même à faire des bruits de fusil et à décrire des scènes en les mimant, se tortillant sur ce petit divan d'hôtel. Maintenant que j'ai rencontré l'élu, je suis prête pour ma 101e écoute de Matrix. Son rire était contagieux et sa passion aussi. Dans l'avion qui m'a amenée jusqu'à Toronto, je lisais dans le dossier de presse qu'il s'est entraîné quatre mois avant le début du tournage pour être entièrement prêt lorsque les caméras tourneraient (une chose qu'on ne lui a pas demandé, qu'il a lui-même décidé de faire pour l'obtention d'un plus grand réalisme général). Et c'est cette personne dédiée et inspirante que j'ai rencontrée aujourd'hui. Un homme qui parle de ses amis réalisateurs comme de génies, et de ses collègues acteurs comme de légendes. Un homme qui paraît aimer son métier comme peu de gens dans l'industrie et qui considère sa participation à un projet sur le même pied d'égalité que celle du directeur artistique ou d'un technicien anonyme. Keanu Reeves est une personne d'un grand charisme et d'une émotivité transcendante.

Maintenant que j'ai rencontré l'élu, je suis prête pour ma 101e écoute de Matrix.